La rencontre publique organisée le 16 juin 2018 a débuté par la lecture d’un éditorial, daté de 2009, signé Jean-Pierre Marcos (directeur du pôle régional cirque et arts de la rue d’Amiens jusqu’en 2016), qui a permis de rappeler que travailler dans l’espace public nécessite d’être attentif à l’évolution de la ville, notamment sur le plan urbanistique. Telle artère, occupée par des spectacles le temps d’un festival, devient zone piétonne quelques années plus tard. Un quartier délaissé, mis en lumière le temps d’un week-end festif, se voit ensuite réhabilité et revivifié. De même les différents faubourgs d’Amiens, connaissant des mutations parfois douloureuses, ont bénéficié au fil des années de démarches de création menées par des artistes de rue, en complicité avec les associations, les structures socio-culturelles locales et les habitants volontaires qui ont, à un degré ou à un autre, participé aux spectacles.
Ainsi, en 2007, Etouvie , quartier populaire au Nord-Est du centre d’Amiens, a frémi, le temps d’une soirée orchestrée par le Théâtre de l’Unité, à l’annonce de l’implosion imminente de la Tour bleue qui, de fait, faisait l’objet à l’époque d’un projet de rénovation urbaine. Pendant des semaines, des ateliers à l’exigence artistique très haute, avaient permis aux principaux intéressés de prendre part à la mystification, qui reste aujourd’hui encore gravée dans les mémoires. Revenue à Etouvie, la même compagnie a inventé, de 2013 à 2014, une « Commune libre », à l’aide d’un outil imparable : le « cercle des idioties » permettant à chacun de s’exprimer sans (auto-)censure et sans jugement. Les participants se souviennent encore avec fierté d’avoir « inventé des lois » dans le cadre d’un « Parlement » joué ensuite au Cirque Jules Verne d’Amiens, puis au festival d’Aurillac.
Même émotion et même respect profond chez les complices des projets menés par Jean-Georges Tartar(e) à Elbeuf, avec la Pension de famille de la rue Lockert en 2012, et à Saint-Acheul pour 40 000 lieux sur la terre (en 2015). « Cet homme a une telle écoute, une telle patience, une telle humanité que je lui ai confié des choses que je n’avais jamais dites à ma propre fille », murmure une habitante manifestement encore émue.
La nouvelle équipe de direction du pôle régional d’Amiens s’inscrit dans le sillage creusé depuis quarante ans, attentive aux mutations qui bousculent le territoire. « L’essentiel est de permettre, de préserver la rencontre, dans l’espace public, entre la proposition artistique et les habitants », conclut Jean-Pierre Marcos.