Après deux ans de réflexion et de prospection, l’association Territoires de cirque a édité cet été Cirque en action(s) : manifeste pour une action artistique et culturelle réaffirmée. Philippe Le Gal, directeur du Carré magique (Lannion) et président de l’association revient sur le processus de création et les objectifs de ce travail collectif.
Fruit d’un travail collectif, le chantier Cirque en Action(s) a mobilisé deux années durant l’ensemble des adhérents de Territoires de Cirque bien au-delà des seules directions des établissements. Son enjeu : explorer toutes les facettes d’un sujet au cœur des préoccupations quotidiennes des équipes, en ressortir les lignes de force et contribuer à tisser une toile prospective à même de nourrir la réflexion et l’action. Car il s’agissait bien de cela : travailler en profondeur, hors de toute injonction. Avec cette publication, nous avons donc réalisé un état des lieux non exhaustif – tel n’était pas le but – qui pointe trois pistes à même de composer une trame commune :
- Incarner une nouvelle politique de la relation entre lieux et populations ;
- Inscrire l’action artistique et culturelle dans l’espace et la durée;
- Partager une même ambition avec les artistes, les habitants et les équipes des lieux de spectacles.
En effet, il nous semble qu’une structure culturelle est avant tout un organisme vivant qui expérimente en permanence et ne prétend jamais détenir une vérité tout comme l’artiste qui interroge sans fin. Cet état de fait recèle une vertu : s’adresser d’égal à égal à celle ou celui qui n’est plus considéré comme un spectateur, mais comme un acteur de son propre cheminement vers l’art. Dès lors, l’art lui-même ne saurait se résumer à la seule notion d’œuvre. Émancipée de cette « tutelle », l’action artistique et culturelle n’en est que plus enthousiasmante, car elle ouvre des passages vers une autre façon de concevoir la place de l’établissement d’art sur son territoire. Cet espace de liberté agit comme un double révélateur: il enrichit le lexique de l’artiste et réunit les publics en une communauté unie et agissante.
Et le cirque de création parce qu’il est un art majeur, un art qui, a priori, n’intimide pas, se déploie sur chaque territoire avec aisance, au gré de projets intimistes ou d’envergure. C’est sa force. Cirque en Action(s) l’affirme et propose dix clés pour agir, autant de réflexions pour aller plus loin, dans un rapport de confiance avec les partenaires publics, qui demande à être amplifié et libéré du glacis comptable et statistique.
De la création à l’action artistique et réciproquement, nulle césure ne s’impose dès lors que l’artiste en est le cœur agissant. Les mues de l’art trouvent un plein écho dans l’évolution des métiers des médiatrices et médiateurs ; il y est naturellement question de renouveler avec sensibilité et intelligence le rapport aux formes artistiques et d’inventer de nouveaux terrains de pratiques et d’expérimentations immersives.
De la connaissance encore imparfaite à une vraie reconnaissance de ces forces vives, formidable vivier de compétences multiples au sein de nos théâtres aujourd’hui, c’est également ce qui s’exprime en filigrane dans chaque page de ce manifeste qui n’entend pas être une fin en soi mais bien la première page d’une histoire à écrire ensemble : un art de partager l’art.