Formée au trapèze au CNAC, Chloé Moglia prend très vite des chemins de traverses, car c'est la suspension et les arts martiaux qui l'intéressent vraiment, des matières-racines qui marquent son chemin en Rhizome (le nom de sa compagnie) et fondent son approche artistique soutenue par les livres qui ponctuent chacune de ses pensées. De ces croisements féconds, elle a tiré une philosophie de la suspension qui confond dans un même mouvement : l'art, la vie, le Vivant.
Chloé Moglia a le regard azur bien planté dans celui de son interlocuteur. Elle parle vite et facilement, toujours soucieuse de bien nommer ce qu'elle fait, ce qu'elle pense, installant une véritable symbiose entre son art et sa vie. Elle s'est façonnée un mode de vie à l'image de sa philosophie du Vivant. Au fond d'un petit coin de Bretagne, elle a aménagé sa maison et une grange comme espace de travail, entourée de moutons d'Ouessant, d'un potager pléthorique, entre chien et chats. Ici, les animaux sont des « gens » qu'elle observe longuement pour tenter de retirer ses « lunettes ultra-naturalistes apprises » comme elle dit. « Quand Comète est arrivé, je pensais que j'accueillais un chien, mais j'ai lu Le manifeste des espèces compagnes (2019) de Donna Haraway et j'ai compris que j'allais cohabiter avec un autre quelqu'un. C'est une sorte de fils adoptif, on a chacun un degré de responsabilités l'un envers l'autre. J'ai fait la même chose avec ma fille, on l'appelait "le petit mammifère" quand elle était petite… ». Chloé Moglia cite Jean-Michel Chomet, son prof d'arts martiaux dont elle est a été l'assistante pour préciser sa position : « il dit toujours : toute pensée qui n'aboutit pas à un acte est un poison. Partant de ça, je dois trier mes pensées sévèrement, tenir à ce à quoi je dois tenir et lâcher le reste. ». En suspension.