En une vingtaine d'années, Julie Berès a acquis un rayonnement remarquable dans le paysage théâtral français, à la faveur de spectacles pluridisciplinaires, élaborés ex nihilo au fil d'une écriture collégiale dont elle est la cheffe d'orchestre. Puisant sa nécessité dans la mise en lumière des grands dysfonctionnements de l'époque, elle fabrique un théâtre du trouble souvent proche du fantastique et dont l'inventivité plastique et physique met le réel sens dessus dessous.
Depuis ses débuts fulgurants, Julie Berès ne cesse d'impressionner l'œil des spectateurs, par des formes qui jusqu'à très récemment, puisaient dans l'onirisme la poésie susceptible d'éclairer la noirceur du réel. Assister à un spectacle de la compagnie Les Cambrioleurs, c'est se confronter à des enjeux majeurs de l'époque, politiques, sociaux et philosophiques, passés par le prisme de la fiction. Par la mobilisation des langages du corps, de la musique et des images autant que des mots, son théâtre refuse le didactisme et cherche la suggestion autant que la contradiction et le paradoxe. Il plonge le public dans un univers étrange de sensations, inquiétant souvent, parfois burlesque, où rêves et fantasmes sont pris à bras le corps. Cette tension entre inspiration documentaire, réflexion critique et visions surréelles qui impriment la rétine et secouent l'inconscient est le fruit d'une écriture polyphonique menée sur du long terme. Son exigence mobilise des interprètes virtuoses, venus souvent de la danse et du cirque, ou des acteurs aptes à mettre pleinement leur corps en jeu. Après une quinzaine d’années d'un théâtre dédié à la dénonciation des dérives contemporaines à travers des formes hallucinatoires, Julie Berès aborde depuis 2017 une nouvelle période : consacrés à la jeunesse, ses deux derniers spectacles abandonnent l'illusion théâtrale et ses vertiges pour se rapprocher de la performance, adressée directement au public, et tournée vers l'espoir d'un avenir plus lumineux.