Brillante metteuse en scène très portée sur le cinéma et, depuis le printemps 2020, directrice du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Julie Deliquet est avant tout une cheffe de troupe à l’inspiration collective. Personnalité volontaire, méthodique et généreuse, impliquée sur le territoire de Seine-Saint-Denis et impliquée au sein de son équipe d’In Vitro, véritable bourreau de travail, Julie Deliquet pense tout à plusieurs.
Spectacle après spectacle, Julie Deliquet questionne la responsabilité des individus à l’échelle de leurs engagements collectifs. En l’espèce, la création de Huit heures ne font pas un jour, d’après une série télévisée de Fassbinder, en ouverture de sa première saison à la direction du Théâtre Gérard Philipe, fut exemplaire à plus d’un titre de sa recherche de metteuse en scène. Porté par quatorze acteurs au plateau (toujours des grandes tablées chez Deliquet !), cette saga qui passe de l’espace intime de la famille à celui du travail — à travers le microcosme d’un atelier d’usine tenté par l’autogestion —, et traverse toute une série de thématiques sociales, est une parfaite illustration en jeu des questionnements à l’œuvre chez la metteuse en scène, en particulier celui du collectif. Comment fait-on quand on décide de faire les choses ensemble ? Comment raconter une histoire à plusieurs ? Tout est là. L’acteur est au centre de ce théâtre de l’instant présent qui repose avant tout sur le potentiel créatif de chacun.
Ce que l’on voit sur la scène de Julie Deliquet, qu’il s’agisse des premières créations nourries à l’improvisation d’une écriture de plateau ou des spectacles plus récents basés sur l’adaptation de textes du répertoire ou contemporains, c’est d’abord une troupe, un collectif d’acteurs au travail, à l’œuvre d’une certaine utopie et aux prises avec le monde, passé, présent et futur. Le passé tel qu’il n’est plus et dont on hérite, le présent tel qu’il faut s’en saisir pour construire le futur. Dès les origines, les principaux enjeux sont posés à travers le triptyque Des années 70 à nos jours, portrait de famille questionnant le dialogue d’une génération à l’autre, et décisif acte de naissance du collectif In Vitro, impulsé par Julie Deliquet en 2009. Le passage par la Comédie-Française, et surtout la rencontre avec une autre « famille » d’acteurs, viendra renforcer les intuitions de départ. Avec sa prise de direction du CDN de Saint-Denis, qu’elle qualifie de « seconde naissance », Julie Deliquet dit vouloir à son tour « prendre ses responsabilités », rendre en quelque sorte ce que l’institution lui a donné. Bien au-delà de l’artistique, cette « mission passionnante » questionne le théâtre à tous les endroits, social, citoyen, politique… Là encore dans cette dimension collective chère à Deliquet.