Par son théâtre, Krzysztof Warlikowski dépeint la cruauté, l'identité déchirée, le désespoir, et met en jeu, dans la sphère intime, les tabous de nos sociétés. Le thème de la différence traverse inlassablement ses spectacles : l'homosexualité, l'antisémitisme ou, depuis quelques années, la vieillesse. Son regard sur l'existence est passionnel et c'est en creusant dans ses fondements les plus secrets qu'il l'appréhende. À travers la condition humaine, il tente de débusquer l'essence du bien et du mal et révèle les questions morales et sociales qui traversent nos sociétés contemporaines.
Krzysztof Warlikowski compte parmi les metteurs en scène de théâtre et d'opéra les plus importants d’Europe. Avec virtuosité, l'artiste polonais fait de la scène un laboratoire de vérité où se révèlent les ombres passées que la société voudrait cacher derrière de brillantes valeurs ou sous couvert d’oubli. Qu’il aborde les classiques, des Grecs à Shakespeare, ou les auteurs contemporains, de Sarah Kane à Hanok Levin, d’Hanna Krall à J.M. Coetzee, il fait vibrer les résonances métaphysiques au revers des mots et traque l'innommable au cœur des hommes. La marginalité, la religiosité polonaise excessive, l'identité sexuelle, la culpabilité et le pardon, les questions liées à la Shoah, le matérialisme, le sacrifice, le poids de l’héritage familial, le non-dit : autant de questions qui travaillent la mémoire collective comme l'être intime. Fort d'une identité polonaise déchirée par les traumas de son pays, Krzysztof Warlikowski ausculte le présent pour y traquer les « dibbouks » du passé qui continuent de le hanter. Avec une prodigieuse intelligence de la symbolique scénique et de l'acteur, il ébranle nos routines, déconstruit les catégories de genre ou de sexualité. Politique par ses questionnements et ses déflagrations, son théâtre vibre dans la chair, scrute ses propres fissures tout comme celles des comédiens. Chaque création va fouiller leur vécu, dans un processus qui écorche les carapaces jusqu’au sang avec une brûlante justesse.