Aux manettes de la fabuleuse Cordonnerie, œuvrent deux artistes en parfaite synergie. Créant d’abord un film auquel ils donnent ensuite vie sur scène, par la musique, les dialogues et les bruitages, ils ont inventé un genre en soi où la fabrique crée le sens autant que l’histoire. En vingt ans de compagnie, le style s’affranchit un peu plus à chaque nouvelle création du postulat de départ. Réveiller les contes d’autrefois pour y questionner le monde d’aujourd’hui ? Plus ça va, plus ils s’échappent du cadre…
Comme son nom ne l’indique pas, La Cordonnerie, c’est d’abord une affaire de rencontre, de rapports, de dialogue. Rencontre entre une femme et un homme. Aux manettes de la compagnie, sur la scène et dans les scénarios qu’ils écrivent, Métilde Weyergans et Samuel Hercule, qui font tout ensemble, racontent presque toujours des histoires de rencontres amoureuses. Rencontre aussi entre deux univers, celui de textes classiques, de contes, connus de tous, et du monde contemporain à l’aune duquel ils revisitent les premiers. Rencontre enfin entre deux arts, le théâtre et le cinéma, qui s’articulent parfaitement chez eux, par l’entremise de la musique et du son mais aussi du jeu des acteurs, dans un rapport de temporalités que les deux artistes ne cessent d’interroger.
Tout cela compose les contours d’une aventure artistique singulière qui a démarré il y a près de vingt ans, dans l’arrière-boutique d’une ancienne cordonnerie de Lyon, et qui affiche au compteur une dizaine de « ciné-spectacles ». Mais voici qu’avec Le Voyage fantôme, performance sur le Canal de l’Ourcq créée en septembre 2022, l’un et l’autre s’échappent du cadre millimétré du film pour inviter autrement le réel dans la fiction. Expérience unique possiblement reconfigurable dans d’autres paysages ? Début d’une nouvelle histoire ? Le décalage permet d’envisager autrement le parcours de La Cordonnerie qui, depuis un bout de temps, déborde du cadre « jeune public » où les programmateurs l’avaient un peu trop hâtivement rangée.