Avant la rencontre de Samuel Hercule et de Métilde Weyergans, La Cordonnerie existait déjà mais dans une forme encore assez artisanale. La compagnie associait déjà l’image et la musique, mais pas le théâtre, et se produisait dans les cafés. Elle va inventer des « ciné-spectacles » inspirés de plus en plus librement de chefs-d’œuvre littéraires.
L’histoire de La Cordonnerie, première époque, débute à Lyon entre 1995 et 1997. Samuel Hercule a une vingtaine d’années. Avec son copain de lycée, Timothée Jolly, ils bricolent des spectacles musicaux, au départ avec très peu d’images, qu’ils présentent au chapeau, dans des bars en fin de soirée et dans des lieux alternatifs. Le duo de départ, c’est eux et c’est d’abord une affaire de musiciens. Samuel a suivi une option théâtre au lycée, puis une fac art du spectacle ; Timothée a fait les Beaux-Arts. Grâce au dispositif national Défi-jeunes, Samuel Hercule remporte une somme de « 10 000 ou 15 000 » francs d’aide au premier projet et réalise six courts métrages en super 8, qu’il décrit comme « un peu inspiré de Chaplin, avec tous les codes du cinéma muet », autour d’un personnage nommé Hippolyte. Hippolyte ou l'avis musical sur pas grand-chose (1997), c’était le titre de ce spectacle réalisé avec une bruiteuse et de la musique en direct, qui a rencontré un beau succès dans les cafés.
Encouragé à le présenter dans un théâtre et en jeune public, le duo se retrouve en résidence au théâtre de Vénissieux, « ce qui n’était pas du tout le projet de départ ». C’est comme ça que Samuel Hercule s’est retrouvé apprenti comédien, en alternance au sein de la compagnie les Trois huit, une de ces troupes lyonnaises qui marchent bien à l’époque. Avec l’argent gagné, il réalise un court métrage avec Mike Guermyet, Le Principe du canapé (2003). Un film en super 16 complètement autoproduit qu’ils envoient, un peu par bravade, à différentes sections du festival de Cannes, dont La Quinzaine des réalisateurs où travaille alors Métilde Weyergans.
Le principe du canapé de Mike Guermyet sur Vimeo
Métilde, elle, navigue aussi entre théâtre et cinéma, dans la foulée d’une enfance parisienne, libre et heureuse, au sein d’une famille bohème avec un père écrivain et une mère qui côtoie Les Insoumuses de Delphine Seyrig, Carole Rossopoulos et Ioana Wieder, collectif qui réalise des vidéos militantes sur les luttes féministes. Après la terminale, elle intègre à 17 ans l’école de théâtre de Jean Périmony. Avec la fille de Carole Rossopoulos (qui dirigeait alors le cinéma L’Entrepôt, dans le XIVe arrondissement de Paris), elles montent des petits sketches d’après Roland Dubillard, qu’elles présentent avant les films. Puis, elle navigue d’une rencontre à l’autre, d’un boulot à l’autre, notamment la lecture de scénarios, qu’elle a beaucoup pratiqué. Après plusieurs voyages au long cours, où elle a écrit pour des journaux français sur des festivals de cinéma en Argentine et en Russie, Métilde Weyergans travaille aussi au festival Émergence, à Blois, qu’avait créé Élisabeth Depardieu, pour soutenir les jeunes réalisateurs. Elle y rencontre François da Silva qui l’embarque à Cannes, lorsqu’il devient délégué de la Quinzaine. C’est comme ça qu’elle rencontre Samuel Hercule, en 2003.