Son sourire gouailleur et sa silhouette de Gavroche toujours coiffée d’une casquette arpentent le milieu des arts de la rue depuis des décennies. Tout le monde y connaît Marie-Do Fréval, mais qui sait la richesse, la profondeur et l’étendue de la palette de son travail de création ? La grande gueule et l’engagée ont longtemps masqué la metteuse en scène et l’autrice. Il faut dire qu’il est quelque chose qu’elle a toujours ignoré : la facilité. Marie-Do Fréval est dans la performance, dans toutes les acceptions du mot : agir dans l’espace public, et aussi sans cesse se dépasser.
Son parcours est fait d’éternels recommencements et de ruptures. Elle se fait une place comme comédienne dans le théâtre contemporain ? Le trouvant bien trop sage et discipliné, elle file investir la création dans l’espace public, dans la ville qui lui est la plus hostile : Paris. Et plutôt que d’y fabriquer des machines spectaculaires, elle agit, inlassablement, et bien avant que ce ne soit une injonction ministérielle, elle y développe ce qu’on appelle la création en territoire.
Là où beaucoup traduisent « action artistique territoriale » par « travail documentaire », elle y bouscule joyeusement les quartiers qu’elle sillonne. Son travail de mise en scène est reconnu ? Elle se fait une place comme autrice. Elle obtient le succès public et critique avec ses percutantes Tentative(S) de résistance(S) (2016) et Tentative(S) d’Utopie vitale (2018) ? Elle revient à son rôle de directrice d’acteurs. Toujours un coup d’avance, ne jamais s’installer dans quelque chose qu’on a conquis. Et même si des prix à l’écriture l’ont consacrée, la consécration n’est jamais sacrée. Pour cette boulimique de création qui a choisi la scène comme une nécessité vitale, tout est toujours à recommencer. Et on en redemande. Que va-t-elle encore inventer pour nous bousculer, nous secouer, nous forcer à sortir de la torpeur et déprime ambiantes ? Car c’est de cela qu’il s’agit : transmettre, dans la joie, l’urgence de faire face, d’opposer la force vitale de l’invention à une époque mortifère. Et ça passe par l’engagement total du corps et du verbe.