Il y a du cut up et du collage dans le parcours de Marie-Do Fréval comme dans son écriture. On lui a visiblement inscrit dans les mains plusieurs lignes de vie et de créations. Son parcours n’est ni fleuve, ni tranquille, mais fait de confluences, d’ancrages temporaires et de grandes traversées, de navigation tantôt en solitaire, tantôt avec des équipages fidèles mais renouvelés. Comédienne, performeuse, metteuse en scène, autrice… L’énumération reste restrictive pour décrire le foisonnement d’expériences et d’actes qui ponctuent sa voie artistique et qui défie la linéarité chronologique, pour une artiste qui préfèrera toujours courir vite ou danser sur les chemins de traverse que marcher droit. Tentative de résumé.

Tout commence par l’Italie, où Marie-Do Fréval part dans les années 80 sur un coup de tête et reste deux mois et demi. Elle y rencontre des artistes qui l’invitent instantanément à se joindre à eux, apprend l’italien, chante, manipule des marionnettes. « J'ai découvert le théâtre par une forme d'oralité et d'échange dans une langue qui n'était pas la mienne », résume-t-elle. Des graines avaient été semées dans l’enfance : sinon celles du théâtre, du moins celles de l’émotion musicale, liée à la pratique religieuse de sa famille. Au Havre où elle vivait, le père de Marie-Do Fréval chantait à la messe et son grand père était organiste. Un décorum qu’elle décrit comme « assez chargé émotionnellement » et qui va s’alourdir dans le deuil : la petite fille perd son père à sept ans et demi. Elle réagit en se réfugiant dans une vie imaginaire : elle joue des rôles, chante pour son frère et sa sœur. Mais personne ne lui collera alors l’étiquette « artiste » !
« Mon père était parti avec sa charge émotionnelle et artistique, je m’en suis trouvée chargée et j’ai cheminé avec. Ce n'est pas un hasard si j'ai commencé à jouer dans une autre langue : la mienne était un peu verrouillée, comme une langue sociale, une langue de contrainte, de bonne éducation, qui ne me laissait pas d’espace pour développer quelque chose de personnel. », explique-t-elle.
Revenue en France, elle travaille dans un bar de nuit voué à l’éducation spécialisée auprès de marginaux vivant dans la rue, et veut prolonger son expérience italienne. En France, elle avait fait de la danse et du sport en amateur, là-bas, tout le monde avait trouvé normal de la voir chanter sur scène.
Entre Le Havre, Paris, et l’Italie, elle se lance dans plusieurs aventures. En France, elle monte un groupe de théâtre amateur, dans la lignée d’Augusto Boal qui, selon ses propos, réunit toutes les marginalités possibles : alcoolisme, délinquance, toxicomanie, prison… Et un groupe d’écriture avec des femmes issues pour la plupart de la prostitution. En Italie, elle initie des actes résistants féministes sous forme d’interventions de rue. Tous les ingrédients de ce qui va constituer un parcours et une œuvre sont là : le théâtre, la performance, l’espace public, le féminisme, l’attraction pour les marges et les invisibles (relégués) de la société, et le besoin d’emprunter plusieurs voies à la fois.
Mais Marie-Do Fréval ne se définit pas encore comme artiste, avant que l’évidence ne s’impose après une petite année de pratique : « La seule honnêteté, c'était d'être au plateau et de voir ce qui s'y passait. Je l’ai pris comme un défi, une question de vie ou de mort et ça traverse tout mon parcours. Il fallait que je sois comédienne, que je sois sur scène, et que je voie si les autres allaient me croire. Est-ce que j’étais crédible ? »
