Si l'art immersif n'est pas nouveau, l'essor et la diversification des dispositifs interactifs sur les scènes de théâtre, dans les musées, au cinéma ou encore hors les murs, dans des espaces non dédiés, interrogent notre rapport à l'art et ouvre un monde des possibles. Que révèlent de notre société actuelle cette abolition de la frontière entre fiction et réel, et la disparition progressive de toute notion représentative ? Comment définir cet art protéiforme qui se laisse difficilement caractériser ?
Dans leur Manifeste des arts immersifs (2014), Anaïs Bernard et Bernard Andrieu définissent les pratiques immersives comme « une expérience interactive entre le corps, l'œuvre et l'environnement qui produisent une émersion d'images, de sensations et d'affects dans la conscience ou le rêve au cours même du processus immersant ». Les notions d'expérience, de présence et de ressenti constituent le cœur de cette pratique qui se pense en effet en direction du spectateur, et plus précisément en direction de l'impact qu’elle peut avoir sur son corps1 . Il ne s'agit pas seulement au théâtre de briser le quatrième mur, mais bien de créer une œuvre dont l'élaboration se fait avec, par, et pour le spectateur. La corporéité de l'individu, ses capacités sensorielles et émotives sont engagées, transformées par l'interaction avec l'œuvre. La position du spectateur est déplacée : il devient acteur, voire même co-auteur.
La mutation des modes de communication engendrée par l'apparition des technologies numériques au milieu du XXe siècle a favorisé la naissance de dispositifs où images, sons et techniques fusionnent, instaurant un dialogue rapproché avec l'individu. On parle de « réalité augmentée » lorsque le dispositif instille des dimensions fictives au réel, de réalité virtuelle avec les Arts Numériques. Bref, l'immersion permet de vivre une expérience alternative, de s'extraire de son « monde propre », parfois même de se transformer en quelqu'un d'autre, en témoigne le spectacle Ticket, du collectif Bonheur Intérieur Brut, où le spectateur plonge dans la peau d'un immigré clandestin.
- 1Raboisson Nathanaëlle (2013), « L’expérience fait œuvre : l’action corporelle créatrice. », Proteus, n°6, Le spectateur face à l’art interactif, déc. 2013, p.35-42