La future directrice du Prato développera un projet transdisciplinaire apte à séduire un large public et privilégiera, par ailleurs, le soutien aux équipes artistiques émergentes.
Après avoir dirigé l’Espace culturel de Saint-Genis-Laval puis l’Arc, scène nationale du Creusot, Célia Deliau a décidé en 2016 de rejoindre le Cirque Jules Verne, Pôle national Cirque et Arts de la rue d’Amiens. La découverte de ce secteur l’a comblée au point qu’elle s’apprête aujourd’hui à prendre les rênes d’un autre Pôle national Cirque, celui de Lille. De son propre aveu, c’est aussi et peut-être surtout « la longue et incroyable histoire du Prato, construite par des artistes et des militants » qui l’a d’emblée attirée. Au sein de ce lieu emblématique fondé il y a près de 50 ans par Gilles Defacque, elle développera un projet artistique et culturel centré sur la transdisciplinarité ; laquelle s’incarnera aussi bien dans la formation (professionnelle ou à l’attention des amateurs) que dans la programmation de Cartes blanches offertes à des artistes de champs disciplinaires différents ou bien la mise en œuvre de projets participatifs.... Sur le plan de la formation, Célia Deliau s’est d’ores et déjà rapprochée du Théâtre du Nord et de son directeur David Bobée, afin d’étudier la possibilité pour des circassiens de suivre des cours à l’École du Nord, et pour des élèves-comédiens d’approfondir le rapport au corps et au mouvement au Prato. « David Bobée s’intéressant depuis longtemps aux arts du cirque, nous pourrions également proposer des spectacles en co-réalisation au Théâtre du Nord et travailler ensemble à une diffusion sur le territoire », ajoute Célia Deliau.
Le profil des artistes associés au Prato viendra renforcer la ligne défendue par la nouvelle directrice, au moins pour deux d’entre eux : la clown et fildefériste Tite (Compagnie La Conserverie) et le danseur et virtuose de la roue Cyr, Juan Ignacio Tula. Célia Deliau sera également secondée par la Compagnie Un loup pour l’homme et par une quatrième équipe artistique émergente ou en insertion professionnelle. Le soutien aux jeunes compagnies – régionales et belges – constitue en effet l’un des axes majeurs de son projet, facilité par la présence du Prato au sein du réseau 4HdF (aux côtés du Boulon à Vieux-Condé, du Cirque Jules Verne à Amiens et de Culture Commune à Loos-en-Gohelle) et les liens noués avec l’École supérieure des arts du cirque (ESAC) de Bruxelles, le festival belge Perplx, le Centre régional des arts du cirque (CRAC) de Lomme ou encore le Codarts de Rotterdam. Outre œuvrer pour la mise en visibilité des projets émergents auprès de ces différents partenaires, Célia Deliau souhaite s’intéresser de près à une autre question cruciale, celle de l’insertion, en aidant les artistes à acquérir des outils sur les plans administratif, juridique, économique... « C’est un travail passionnant que j’ai déjà mené au Cirque Jules Verne. J’ai envie que le Prato se situe à cet endroit-là de l’accompagnement qui m’apparaît comme le chaînon manquant entre la sortie de l’école et l’émergence », explique-t-elle. À cet effet, elle a imaginé un dispositif intitulé « la rampe de lancement », qui permettra à une équipe artistique d’être accompagnée pendant trois années, la première étant exclusivement consacrée à la structuration.
Dans la construction de sa programmation, Célia Deliau accordera une attention particulière à l’enfance et à la jeunesse, insuffisamment développée, à ses yeux, dans le domaine du cirque pourtant réputé familial. « C’est une idée reçue, car peu de compagnies se consacrent à l’écriture pour le jeune public », estime-t-elle, envisageant non pas tant des moments spécialement dédiés dans la saison, mais plutôt un élargissement des propositions aux tout-petits, aux enfants comme aux adolescents. Ces derniers pourront, par ailleurs, être associés à certains projets de création et même à la vie de la structure en intégrant son Conseil d’administration.
Enfin, l'activité du Prato sur le territoire épousera « une logique de cercles concentriques », en partant du Quartier des Moulins pour se déployer à Lille puis sur la Métropole, voire le Département (des pistes sont actuellement à l’étude) et la Région, dans le cadre du festival Les Toiles dans la Ville organisé par le Pôle national Cirque, ainsi qu’en partenariat avec le réseau 4HdF. Célia Deliau songe aussi à se saisir de l’outil conçu par La Verrerie d’Alès, « le Cirque Portatif » pour aller à la rencontre des publics, non dans une optique de diffusion pure mais en co-construction avec les forces vives du territoire et en étant à l’écoute des besoins exprimés par les communes et Communautés de communes. La future directrice du Prato perçoit en effet un « appétit de spectacles » très vif de la part des publics habitués du lieu. Et même si la tâche promet d’être un peu plus ardue vis-à-vis des spectateurs éloignés, Célia Deliau affiche un état d’esprit « offensif ». « Voir la culture considérée pendant un an et demi comme non essentielle a accru ma motivation », conclut-elle, ravie de pouvoir s’appuyer sur « un bel outil » situé dans un quartier populaire comme sur le formidable héritage légué par son prédécesseur.