Forte de l’héritage légué par Jean-Marie Hordé, la nouvelle directrice désire ouvrir le Théâtre de la Bastille à de nouvelles écritures et esthétiques, mais aussi favoriser son appropriation par les habitants.
Œuvrant depuis de nombreuses années aux côtés de jeunes metteurs en scène, notamment au sein de l’office de production Prémisses dont elle fut la fondatrice, Claire Dupont aspirait à porter un projet qui lui permette d’aller plus directement à la rencontre des publics. Son attrait pour les formes singulières et audacieuses l’a naturellement conduite vers le Théâtre de la Bastille, dont la ligne artistique a été forgée durant plus de 30 ans par Jean-Marie Hordé. Succéder à une telle personnalité n’intimide pas la nouvelle directrice, résolue à s’inscrire dans son sillage. « Je perçois cette magnifique histoire comme une dot et non une dette », affirme Claire Dupont, qui conservera les trois marqueurs de cette maison parmi les plus novatrices de la capitale : le théâtre, la danse et l’international. Perpétuer un héritage nécessitant toutefois de le réinventer, elle souhaite ouvrir davantage la Bastille à « une génération de créateurs puissants », très engagés dans la lecture de la société actuelle, qui promeuvent de nouveaux récits et par là même de nouvelles esthétiques, transdisciplinaires et performatives. Trois artistes incarneront cet « écho du monde » : l’auteur et metteur en scène Gurshad Shaheman, la chorégraphe Betty Tchomanga et un duo de performeurs catalans, Agnès Mateus et Quim Tarrida. En les réunissant au sein d’un « parlement artistique », Claire Dupont indique sa volonté de faire du théâtre un espace de pensée et de partage, traversé par son époque. Outre être associés à la programmation – ils choisiront deux spectacles– ces créateurs et créatrices élaboreront chaque saison une production en lien avec une question contemporaine ainsi qu’un projet documentaire et participatif avec des habitants du 11e arrondissement, et contribueront à l’organisation de cycles de débats.
Sur le plan international, sans rompre les liens privilégiés tissés avec des artistes flamands, le Théâtre de la Bastille tournera son regard vers les dramaturgies des pays du bassin méditerranéen qui, selon Claire Dupont, pâtissent d’un manque de visibilité dans les lieux de diffusion parisiens alors qu’elles recèlent de grandes richesses symboliques et politiques. « Façonnée par la circulation des populations, l’histoire de cette région carrefour du monde offre la possibilité d’interroger de nombreux sujets artistiques et culturels mais aussi de travailler cet enjeu de première importance qu’est la diversité sur les plateaux, et dans les salles », souligne la directrice.
Mettant à profit sa grande expérience en matière d’accompagnement des artistes, Claire Dupont ambitionne par ailleurs de développer une cellule de production permettant de penser « en amont et en aval » la structuration des parcours. Dans ce cadre, elle se rapprochera de Prémisses, avec lequel seront mis en place plusieurs dispositifs, dont un consacré à l’art chorégraphique.
Enfin parce que le Théâtre de la Bastille, tout en jouissant d’une belle reconnaissance sur les plans national et international, demeure peu identifié donc fréquenté par les résidents du 11e arrondissement, la directrice renforcera les actions culturelles sur le territoire et initiera des projets hors les murs. Afin de provoquer des rencontres différentes, elle envisage notamment de s’appuyer sur la dimension festive du quartier. « Nous pourrions, par exemple, imaginer des partenariats avec des lieux de vie nocturnes, où des artistes prolongeraient le temps de la représentation en proposant des formes musicales », avance Claire Dupont, qui fera de l’appropriation du théâtre par la population l’un des axes majeurs de son mandat.