Le nouveau directeur entend mettre à profit les futurs travaux de rénovation de la scène nationale pour développer un ambitieux projet sur le territoire associant artistes et habitants.
Si diriger un lieu à ses yeux aussi « emblématique » que La Halle aux Grains a immédiatement séduit Frédéric Maragnani, la création d’une nouvelle salle au sein du bâtiment a ajouté à son enthousiasme. « Grâce à ces travaux, la scène nationale va ouvrir dans les dix prochaines années une nouvelle page de son histoire », explique le directeur, qui a décidé de fonder sa démarche sur l’ancrage territorial. Dès la saison 2023/2024 (la première qu’il programmera), il s’attachera à construire à l’échelle de la Ville, de l’Agglomération et du Département des résidences artistiques donnant naissance à des « projets situés » en collaboration avec différents relais (associatifs, sociaux, éducatifs, médicaux…), et élaborera de nombreuses propositions dans des lieux non dédiés. En affermissant ainsi les liens avec les populations, toutes générations confondues (l’adresse à la jeunesse et l’intergénérationnel constituent des pierres angulaires de son projet), Frédéric Maragnani ne se contente pas d’anticiper la période durant laquelle La Halle aux Grains déploiera son activité hors les murs. Il affirme une volonté politique forte : modifier la façon de se porter à la rencontre des publics « Plus qu’une nécessité, cela devient aujourd’hui une obligation, estime-t-il. Les pratiques culturelles ayant beaucoup évolué sous l’effet de la crise sanitaire, nous ne pouvons plus nous contenter de proposer des spectacles, de communiquer dessus et d’espérer attirer des spectateurs ».
À l’écoute des attentes des habitants, Frédéric Maragnani défendra une programmation au croisement des humanités (au sens large et contemporain du terme, c’est-à-dire englobant la littérature, la philosophie et les sciences sociales), de l’art et de l’Histoire. Désireux que chaque spectacle « nous éclaire en portant un regard nouveau sur le monde », il s’est entouré d’artistes associés qui partagent sa vision : l’autrice et comédienne Pauline Sales dont la dernière création, Normalito, interroge la normalité, Simon Mauclair (Compagnie Comerstone) qui avec L’Homme qui tombe s’intéresse à la notion de catastrophe dans nos sociétés modernes, le chorégraphe Mickaël Phelippeau (la Dite Compagnie) très investi sur la question du genre, ainsi que Amine Adjina et Émilie Prévosteau (la Compagnie du Double), Julie Delille (Compagnie des trois Parques) et la marionnettiste Élise Vigneron (Théâtre de l’Entrouvert). Conviés alternativement selon les saisons à diffuser leurs créations et à participer à des projets situés, ces artistes issus d’horizons différents incarnent bien la vocation pluridisciplinaire d’une scène nationale. « La transdisciplinarité fera aussi partie de ma ligne éditoriale, précise Frédéric Maragnani, notamment avec la présence d’équipes artistiques travaillant dans l’espace public. »
La construction d’une nouvelle salle permettra à La Halle aux Grains, qui dispose actuellement de l’Hémicycle et du Théâtre Peskine (davantage dédié aux résidences), d’accueillir et de soutenir davantage de compagnies. Le budget de production de la scène nationale devrait ainsi s’accroître, en particulier au profit des jeunes artistes qui souhaitent s’impliquer sur le territoire. Tout au long de son parcours, Frédéric Maragnani s’est en effet montré attentif à l’émergence : que ce soit à la tête de La Manufacture Atlantique à Bordeaux et plus récemment du Théâtre de Chelles, partenaire du festival Impatience et membre du Groupe des 20 Théâtres en Île-de-France, ou dans ses collaborations avec Prémisses Production. Parmi les temps forts qui rythmeront la saison figurera d’ailleurs, aux côtés de Circ & Plus (créé par Catherine Bizouarn) et d’un festival consacré aux Seuls en scène, une manifestation autour des formes émergentes. « Nous possédons également un dispositif formidable, le Jeune Théâtre en Région Centre-Val de Loire en partenariat avec le Théâtre Olympia, Centre dramatique national de Tours », ajoute Frédéric Maragnani.
Le nouveau directeur s’est enfin donné pour mission de consolider les relations avec les autres établissements labellisés du territoire, très bien doté puisqu’il compte trois scènes nationales (La Halle aux Grains, la scène nationale d’Orléans et L’Équinoxe à Châteauroux), une Maison de la Culture (à Bourges), deux Centres dramatiques nationaux et deux Centres chorégraphiques nationaux (à Tours et Orléans) et plusieurs scènes conventionnées, dont L’Hectare, Centre national de la marionnette en préfiguration à Vendôme. « La Halle aux Grains se situant entre Orléans et Tours, je pense qu’elle pourrait fédérer l’ensemble des labels sur des questions relatives à la production », estime Frédéric Maragnani, qui songe aussi à optimiser entre les lieux la circulation des œuvres, et donc des publics.