Son projet se veut fédérateur, à l’écoute des enjeux sociétaux actuels comme des attentes des différents publics qui composent le territoire.
En quittant Bords 2 Scènes (qu’il dirigeait depuis 2019) située à Vitry-le-François pour rejoindre le Théâtre de Privas, Laurent Sellier n’éprouve pas le sentiment d’un complet dépaysement. Les territoires et bassins de populations sont sensiblement équivalents, et le label scène conventionnée attaché aux deux structures appelle au développement d’un projet artistique pluridisciplinaire. Si les enjeux apparaissent néanmoins quelque peu différents, c’est au regard de la configuration de l’équipement ardéchois. Son unique salle, modulable (ce qui ouvre grand le champ des possibles), compte davantage de places, et le lieu dispose en outre d’espaces annexes comme un foyer, propice à la réalisation de spectacles intimistes et d’expositions d’artistes contemporains. « Réussir à remplir une jauge de 800 places sur une Agglomération qui n’est pas une métropole constitue un défi et questionne forcément le type de spectacles que l’on accueille », confie Laurent Sellier. Afin de satisfaire les attentes des publics, à ses yeux « segmentés » mais qu’il faut toutefois inciter à
« circuler » entre plusieurs esthétiques, le directeur respectera un équilibre dans la programmation ; laquelle alternera, à parts égales, entre du théâtre – contemporain, porté notamment par des compagnies régionales, et de répertoire – de la danse, du cirque, de la magie nouvelle, de la marionnette ainsi que des productions jeune public, ces dernières étant présentées dans le cadre de rendez-vous réguliers dédiés aux familles. Sans oublier la musique (musiques actuelles et musique classique, jazz…), domaine cher à Laurent Sellier, qui y évolue depuis plus de 25 ans en tant que compositeur et concepteur-réalisateur. « L’association entre théâtre et musique m’intéresse, et plus globalement la matière sonore en tant que langage capable de nourrir tous les pans du spectacle vivant », souligne-t-il.
Au cœur de son action, figurera par ailleurs la notion de « fabrique ». Fabrique de spectacles bien entendu, mais aussi d’une communauté et de lien social grâce à des projets participatifs et des créations in situ. La première prendra la forme d’un podcast sur l’histoire du Théâtre de Privas présenté en juin prochain, qui permettra d’aller à la rencontre des habitants porteurs de cette mémoire, de collecter puis de faire résonner leurs récits. Fabrique des idées ensuite, pour penser un avenir différent. « En tant qu’acteurs culturels, nous devons en effet contribuer à la transformation du modèle de société actuel », affirme Laurent Sellier. La saison prochaine, par exemple, sera organisé dans la galerie du théâtre un temps fort autour du rapport entre l’art et la nature. Cette thématique se verra éclairée par plusieurs spectacles, ainsi que par une approche scientifique, en partenariat avec le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche.
Scène conventionnée d’intérêt national « Art en Territoire » depuis 2017, le Théâtre de Privas maintiendra tout au long de la saison une programmation décentralisée qui aura vocation à irriguer un territoire devenu plus vaste en raison de l’intégration de l’équipement à la Communauté d’Agglomération Privas Centre Ardèche. « Compte tenu des distances à parcourir, certains spectateurs ne peuvent fréquenter régulièrement le théâtre. Nous mettons donc en place des tournées dans les villages de l’Agglomération, en nous appuyant sur la présence d’artistes ou de compagnies qui se produisent à Privas puis élaborent des spectacles techniquement plus légers hors les murs, dans des lieux non dédiés », précise le nouveau directeur. L’Agglomération ayant obtenu le label 100% EAC, le volet éducation artistique et culturelle sera renforcé. Le théâtre étudie actuellement la possibilité de formuler de nouvelles propositions – stages ou ateliers – aux enfants et adolescents hors du cadre scolaire. À l’occasion de la Nuit de la lecture en janvier 2024, il créera Le Marathon de la lecture, aventure collective qui fera se succéder sur le plateau des lecteurs préalablement formés. « De nombreuses associations existent sur le territoire, et les pratiques culturelles y sont très riches. Il nous appartient de fédérer ces énergies, afin de pouvoir jouer un rôle d’animateur et d’agitateur », estime Laurent Sellier, qui n’hésitera pas à s’inscrire à contre-courant de la morosité ambiante en initiant au printemps 2024 le « Happy festival ». Cette manifestation célébrera le bonheur avec une programmation placée sous le signe de la fête, de la convivialité, de l’humour et de la gastronomie. Une nouvelle opportunité de resserrer les liens avec les habitants et de réaffirmer, en ces temps troublés, la nécessité du « vivre ensemble ».