Sous son impulsion, le Théâtre des Quartiers d’Ivry deviendra une fabrique des imaginaires où les auteurs-metteurs en scène occuperont une place centrale.
En prenant la tête du Théâtre des Quartiers d’Ivry (TQI), Nasser Djemaï ouvre une nouvelle page de la longue histoire qui le lie à cet établissement. Alors qu’il effectuait ses premiers pas d’auteur et de metteur en scène en 2003 avec Une étoile pour Noël, Adel Hakim et Élisabeth Chailloux lui avaient ouvert un espace de répétition et programmé sa création. Au fil des années, leur confiance ne s’était pas démentie. Et après deux nouvelles productions— Invisibles et Vertiges – toujours à Ivry, Nasser Djemaï était devenu artiste associé à la saison 2016/2017. Mû par l’envie de quitter sa compagnie pour « grandir, vivre une nouvelle expérience » et s’intéresser à d’autres écritures que la sienne, il n’a donc pas hésité bien longtemps sur le choix du théâtre. « Postuler à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry s’est imposé comme une évidence », confie-il. Faisant abstraction des tensions au sein du théâtre plus d’un an après le départ précipité de Jean-Pierre Baro en décembre 2019, Nasser Djemaï souhaite avant tout saluer « le travail formidable » réalisé par le directeur par intérim Licinio Da Costa et son équipe afin de maintenir à flot le CDN jusqu’à l’annonce de sa nomination. Pour le seconder dans sa mission, il pourra en outre compter sur l'expérience d'Anne-Françoise Geneix – ancienne secrétaire générale du Centre chorégraphique national de La Rochelle puis administratrice de projets à L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle – qu’il a appelée à ses côtés en qualité de directrice adjointe.
Le projet défendu par Nasser Djemaï au TQI puise aux sources de son univers personnel et de ses engagements : « un théâtre en vibration avec le monde, à l’écoute des mutations de la société » qui constitue un trait d’union entre les cultures, les territoires et les générations mais permette aussi de combler ce qu’il nomme « les pages manquantes de l’Histoire », peu mises en récit et pourtant parties intégrantes de notre mémoire collective. Cet axe pourra se traduire par des commandes d’écriture, des rencontres et des débats ainsi que des productions portées par des créateurs programmés ou encore les artistes associés. Désireux de transformer le Théâtre des Quartiers d’Ivry en une fabrique des imaginaires centrée sur les écritures contemporaines, le nouveau directeur a choisi de s’entourer de Pauline Bureau, Tamara Al Saadi, Élise Chatauret et Estelle Savasta, qui possèdent en commun d’être aussi metteurs en scène. « C’est une autre spécificité importante du projet. Je souhaite en effet accompagner les auteurs du début de l’écriture jusqu’à la réalisation du spectacle final », explique Nasser Djemaï, qui accueillera par ailleurs pour des temps de recherche et de résidence des auteurs dont les textes auront été choisis par un Comité de lecture.
Essentiellement théâtrale, la programmation s’ouvrira néanmoins à d’autres champs disciplinaires : la danse, la marionnette, la performance et le jeune public. Aussi et surtout, Nasser Djemaï entend proposer des séries de représentations, afin de laisser le temps aux spectacles de s’épanouir, de rencontrer les professionnels, de toucher tous les spectateurs et de s’inscrire, pour certains, dans des projets de territoire. Soucieux d’ancrage territorial, l’auteur et metteur en scène multipliera les actions culturelles, impulsera des projets participatifs avec les habitants (restitués sous forme déambulatoire dans les rues de la ville) et développera des spectacles en itinérance. Ceci, en s’appuyant sur les structures du territoire ivryen (médiathèques, maisons de quartiers…) dans un premier temps, puis du département du Val-de-Marne. Plus largement, la saison se construira en partenariat (résidences, co-accueils, coproductions…) avec d’autres lieux de diffusion – à commencer par le Théâtre d’Ivry Antoine-Vitez tout proche – d’Île-de-France, tels que le Festival d’Automne à Paris, Les Théâtrales Charles Dullin à Orly, le Théâtre Jean-Vilar ou encore le Studio-Théâtre, tous deux basés à Vitry-sur-Seine.
Soumis comme les autres directeurs de lieux de spectacle aux contraintes et incertitudes induites par la crise sanitaire, Nasser Djemaï devra faire preuve d’inventivité pour bâtir la saison 2021/2022, et plus encore pour inciter les spectateurs à retrouver le chemin des salles. Un défi qui ne l’effraie pas outre mesure. « Notre objectif premier est de travailler avec toute l’équipe à une programmation de qualité, souligne-t-il. Convaincre des publics prend du temps et se construit petit à petit. C’est un chantier plutôt enthousiasmant. »
En février 2020, ARTCENA s'était longuement entretenu avec Nasser Djemaï tandis qu'il présentait au Théâtre de la Colline Héritiers et Vertiges. Écoutez notre podcast de la collection « Parcours d’artiste ».