Très engagée dans l’accompagnement et la reconnaissance de la création jeune public, elle aura aussi à cœur de consolider avec l’équipe et les partenaires publics des liens fragilisés par l’absence de direction depuis plus d’un an.
Bien qu’effectuant ses premiers pas à la tête d’un lieu, Séverine Coulon n’apparaît pas tout à fait comme une néophyte dans la fonction au regard de l’expérience acquise durant son parcours de comédienne, metteuse en scène et fondatrice de la Compagnie Les Bas-bleus. Artiste associée à différentes structures – L’Arc, scène nationale du Creusot, le Théâtre à la Coque, centre national de la marionnette à Hennebont et Le Grand Bleu, scène conventionnée Art, enfance et jeunesse à Lille – elle a toujours été proche de leurs directeurs, les secondant parfois dans la programmation. Mais c’est surtout le désir conjoint d’aller davantage à la rencontre des publics et d’œuvrer à la reconnaissance du spectacle vivant pour l’enfance et la jeunesse qui l’a incitée à postuler à La Minoterie, scène conventionnée de Dijon. « La création jeune public, que je préfère appeler co-générationnelle, est sans doute celle qui permet de rassembler le plus grand nombre de spectateurs ; qu’il s’agisse d’enfants et de jeunes découvrant le théâtre grâce aux séances scolaires, ou d’adultes venant seuls ou accompagnés », affirme Séverine Coulon. Force est pourtant de constater que cette discipline demeure insuffisamment considérée, malgré l’exigence artistique qu’elle commande sur les plans de l’écriture, de la mise en scène et de la scénographie. Militant notamment au sein de Scènes d’enfance-ASSITEJ France et ancienne co-présidente de PlatO-plateforme jeune public des Pays de la Loire, la directrice de La Minoterie entend s’appuyer sur l’outil dont elle dispose pour faire évoluer les mentalités. Et ceci passe d’abord, à ses yeux, par la transmission et donc la sensibilisation des élèves des écoles supérieures d’art dramatique, au sein desquelles la question du jeune public n’est, curieusement, jamais abordée. Aussi Séverine Coulon a-t-elle décidé de créer le Célimène Project, projet de coopération européenne qui lui permettra de collaborer, la première année avec de jeunes illustratrices et illustrateurs de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR) sur la scénographie, puis la seconde avec des artistes en voie de professionnalisation. « Certains mettront en scène un spectacle, d’autres l’interpréteront, et tous participeront à des tournées durant lesquelles ils rencontreront des publics lors de bords de plateau. L’objectif est en effet de les confronter concrètement à nos pratiques », précise-t-elle.
Sur le plan de la programmation – déployée également hors les murs, dans une perspective d’élargissement des publics – Séverine Coulon accordera une attention particulière aux notions de diversité culturelle, de parité et d’inclusivité, et privilégiera par ailleurs « un théâtre d’évocation », c’est-à-dire qui ne fait pas seulement appel aux mots mais raconte aussi avec le corps, l’image, les marionnettes et les objets. Intéressée par les écritures plurielles et de plateau, elle conviera des auteurs et des dramaturges à travailler auprès de metteurs en scène sur ce champ de recherche peu exploité. La diffusion, quant à elle, répondra à des impératifs écologiques et de durabilité, grâce à un allongement des représentations, des dynamiques de coopération à l’échelon régional, national et européen, et la valorisation du répertoire des compagnies. « Aujourd’hui, de magnifiques productions, soutenues par des fonds publics, cessent leur exploitation au terme d’une année en raison d’une consommation effrénée de spectacles. Cet état de fait n’est plus acceptable », juge Séverine Coulon, également convaincue de la nécessité de ralentir le rythme des créations. Peu favorable en outre à ce que de jeunes artistes se constituent immédiatement en compagnie, elle continuera d’agir en production déléguée, parallèlement aux « productions maison » portées par le théâtre.
D’autres lignes de force devraient être dévoilées dans les mois à venir, le projet de Séverine Coulon – qui conditionnera le renouvellement du conventionnement – étant en cours d’écriture. Une situation inédite, mais justifiée au regard des turbulences traversées par la structure depuis le départ de Marie Levavasseur (peu après sa nomination) intervenu voici un peu plus d’un an. « Je souhaite dialoguer avec l’équipe, le Conseil d’administration et les partenaires publics, afin que nous décidions ensemble des orientations à donner à La Minoterie », explique la directrice ; laquelle disposera de suffisamment de temps pour partager ces réflexions, puisqu’elle programmera sa première saison en 2024. Nullement inquiète quant à la motivation de ses collaborateurs, elle l’est en revanche sur l’équilibre budgétaire, qui reste fragile et exige de trouver de nouvelles ressources financières. Cette battante puise néanmoins courage et détermination dans la confiance manifestée par la Drac, les collectivités territoriales et le public. « Percevoir leur profond attachement à ce lieu est très enthousiasmant », se réjouit-elle.