Choisi pour diriger l’un des établissements culturels les mieux dotés de l’Hexagone, Arnaud Meunier place au cœur de son projet la création et la construction de liens durables avec les publics du territoire.
Durant ses dix années passées à la direction de la Comédie de Saint-Étienne, Arnaud Meunier a découvert qu’il éprouvait autant de plaisir à accompagner les projets d’autres artistes qu'à réaliser des mises en scène. Parisien exilé en terre stéphanoise, il a également développé un fort attachement pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes, au point de ne pas vouloir la quitter. Lorsque son mandat est arrivé à échéance, son regard s’est donc naturellement tourné vers la MC2 de Grenoble, dont la configuration (22 000 m2, 4 salles de spectacles, 3 de répétition, un auditorium...) et le budget (plus de 12 M€) lui permettraient de développer un ambitieux projet de création tout en s’inscrivant dans une tradition militante, celle des Maisons de la Culture initiées par André Malraux. Ultime clin d’œil du destin, Arnaud Meunier continuerait de marcher sur les traces de Jean Dasté, qui avant de fonder la Comédie de Saint-Étienne s’était installé en 1945 avec sa compagnie dans la capitale des Alpes. « La MC2 me semblait concilier deux vocations : être un lieu de référence en termes de création nationale et internationale, et conserver un souffle citoyen en s’appuyant sur une implantation territoriale puissante », confie le nouveau directeur. Loin de considérer son retrait des plateaux (la nomination d’un artiste à la tête d’une scène nationale a d’ailleurs surpris) comme un quelconque sacrifice, Arnaud Meunier y a vu la possibilité de se consacrer pleinement aux défis qui l’attendaient.
Au cœur de son projet se trouve une intense activité de production déployée sur tous les champs du spectacle vivant : le théâtre (le Centre dramatique national des Alpes a fusionné en 2014 avec la MC2), mais aussi la danse puisque les locaux abritent le Centre chorégraphique national de Grenoble, et le cirque, le directeur souhaitant accorder une place centrale au corps dans la programmation de la scène nationale. Celle-ci possédant en outre un auditorium, la musique, notamment orchestrale, sera également à l’honneur, là encore dans une optique de création et plus seulement de diffusion. Soucieux de présenter « un état de la création actuelle », Arnaud Meunier souhaite par ailleurs faire de la MC2 un établissement de premier plan en matière de productions numériques et digitales. Outil de production, la scène nationale assurera également la production déléguée de certains spectacles portés par des artistes émergents ou des comédiens désireux de se confronter à la mise en scène comme Adama Diop, Olivier Martin-Salvan ou encore Anne Brochet. S’agissant des coproductions, le directeur désire accompagner uniquement les projets ayant « un lien organique » avec la Maison, c’est-à-dire répétés et créés en ses murs, ou dont les décors et costumes seront conçus par les équipes de la scène nationale. Cet impératif sert l’un des objectifs majeurs d'Arnaud Meunier : favoriser une réelle permanence artistique.
Pour y contribuer, il sera secondé par de nombreux artistes associés représentatifs des différentes disciplines : la chorégraphe Gisèle Vienne, le circassien, metteur en scène et chorégraphe Yoann Bourgeois, co-directeur du CCN de Grenoble avec Rachid Ouramdane (lui aussi pressenti, mais depuis nommé à la direction du Théâtre national de Chaillot), l’artiste de cirque et comédienne Vimala Pons, les metteurs en scène Emmanuel Meirieu, Caroline Guiela Nguyen et Émilie Anna Maillet, la violoncelliste Noémi Boutin, le Quatuor Bela et Bruno Messina, directeur de l’Agence iséroise de diffusion artistique et organisateur du festival Berlioz. « Nous travaillons avec lui à deux projets : l’implantation du Jeune orchestre européen à la MC2 et une déclinaison hivernale du festival Berlioz », précise Arnaud Meunier.
La présence constante de ces artistes, appelés à imaginer différents temps de rencontre (répétitions ouvertes, petites formes, master-classes, interventions dans des relais culturels tels que le Conservatoire…), permettra de créer avec les habitants ces « liens affectifs » auxquels le directeur croit profondément dans une optique de démocratisation culturelle. « Je me fixe en effet comme priorité de rajeunir et diversifier socialement les publics », souligne-t-il, rappelant le visage très contrasté qu’offre Grenoble, ville qui compte à la fois une importante population de cadres supérieurs et des quartiers parmi les plus sensibles de France. Arnaud Meunier mise aussi sur une programmation suffisamment éclectique, donc fédératrice, pour attirer les publics qui ne fréquentent pas les lieux de culture, en particulier les jeunes ; lesquels seront conviés à fouler le grand plateau de la MC2, notamment dans le cadre du projet « Esprit olympique », réalisé en lien avec les Jeux Olympiques de Paris 2024.
Si on ajoute à cela les ambitions européennes nourries par la MC2 (développer des projets, entre autres avec le Théâtre de Liège et le Théâtre national de Lisbonne via le programme Europe Créative), on prend toute la mesure de la tâche à laquelle va se confronter le nouveau maître des lieux, dans un contexte de surcroît très compliqué. « Changer de direction en pleine crise sanitaire constitue une gageure », reconnaît Arnaud Meunier, qui entend mettre à profit ce temps suspendu pour poser sa réflexion, séquencer le projet et le co-construire avec l’équipe de la scène nationale.