Emmanuelle Durand et Vincent Anglade souhaitent ancrer davantage le festival sur le territoire et le mettre en phase avec les enjeux sociétaux et environnementaux.
Deux personnalités issues du monde musical désignées pour diriger Les Nuits de Fourvière dont quelque 80% de la programmation est consacrée à la musique : si ce choix apparaît logique, il ne reflète pas les ambitions exactes d’Emmanuelle Durand et Vincent Anglade qui, dans leurs fonctions respectives (à l’Auditorium-Orchestre de Lyon pour la première, à la Philharmonie de Paris et aux festivals Jazz à la Villette et Days Off pour le second), ont souvent défendu des formes pluri et transdisciplinaires. Le projet qu’ils entendent porter pour le festival est d’ailleurs tout entier placé sous le signe de l’ouverture. Ouverture tout d’abord à d’autres esthétiques, facilitée par l’exploration d’une thématique lors de chaque édition. « Celle-ci concernera peut-être une douzaine de propositions parmi les 60 à l’affiche, mais elle nous permettra de tisser des liens entre les disciplines et des artistes d’horizons très divers », précise Vincent Anglade. Ouverture ensuite réaffirmée aux communes de la métropole lyonnaise. Tout en continuant de faire du site gallo-romain situé sur la Colline de Fourvière le cœur battant de l’événement, les directeurs souhaitent investir plus avant l’ensemble du territoire, aller à la rencontre des habitants sur leurs lieux de vie et inventer ainsi un nouveau rapport à l’art et à la culture. « Notre désir, explique Emmanuelle Durand, est que tous les spectateurs, en particulier ceux qui ne participent pas spontanément aux Nuits de Fourvière, puissent s’approprier le festival. »
Une telle démarche s’appuiera notamment sur « Les Nuits nomades », dispositif ayant vocation à irriguer le territoire grâce à la présentation de petites formes, durant le temps de la manifestation mais pas uniquement. Afin de susciter l’adhésion d’un large public, Emmanuelle Durand et Vincent Anglade estiment en effet nécessaire de s’extraire de la temporalité festivalière et de mener des actions structurantes au long cours, prioritairement à l’adresse des jeunes et des familles. Envisageant de transformer Les Nuits de Fourvière en « un opérateur culturel du territoire à l’année », ils s’attacheront à créer des synergies entre les projets initiés en saison et ceux programmés dans le cadre du festival. À titre d’exemple, un travail élaboré pendant l’année scolaire avec un collège pourra se concrétiser sur scène l’été.
En phase avec le territoire – sans omettre la dimension internationale du festival, très importante et qui se traduira par la poursuite de coproductions avec des compagnies et des structures culturelles étrangères – Les Nuits de Fourvière le seront aussi avec les enjeux de la société actuelle, au premier rang desquels figure la préservation de la planète. « Nous réaliserons un bilan carbone et fixerons des objectifs précis pour engager une transition écologique », indique Emmanuelle Durand ; parmi ceux-ci, le réemploi de matériaux scéniques et leur mutualisation avec d’autres acteurs culturels. Les artistes seront, par ailleurs, conviés à s’emparer des questions environnementales dans leurs créations.
Dès leur prise de fonctions en avril prochain, les co-directeurs s’attelleront à construire et faire vivre leur projet, dont les contours seront véritablement dévoilés lors de l’édition 2024 des Nuits de Fourvière. Ils pourront bénéficier de la longue expérience (20 ans) de leur prédécesseur, Dominique Delorme, qui a souhaité rester à leurs côtés en tant que conseiller technique jusqu’à la fin juillet 2023. « Son mandat fut décisif et nous permet aujourd’hui d’écrire dans d’excellentes conditions une nouvelle page de l’histoire du festival », tient à souligner Vincent Anglade. Comme Emmanuelle Durand, il confie également puiser « une force incroyable » dans l’engouement manifesté par le public : 153 000 spectateurs en 2022, malgré deux années de pandémie. Un succès et une attente qui, à leurs yeux, les encouragent autant qu’ils les obligent.