La démission est une rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) à la seule volonté et initiative du salarié. Elle n'a pas à être justifiée pas le salarié et, pour être valable, elle n'a pas à être acceptée par l'employeur.
Il s'agit d'un droit d'ordre public accordé au salarié. Ainsi, il n'est pas possible de prévoir, dans un contrat de travail à durée indéterminée, l'interdiction ou la renonciation à la démission par le salarié (art. L1231-4 du Code du travail ).
La démission est propre aux CDI. Un salarié embauché en contrat de travail à durée déterminée n'a pas le droit de démissionner. Un comédien, un metteur en scène ou un technicien, embauché en contrat à durée déterminée de droit commun ou d'usage ne peut donc avoir recours à ce mode de rupture.
I.Conditions de validité de la démission
Consulter un modèle de lettre de démission en fin d'étude.
a.Conditions de forme : absence de formalisme légal
Le Code du travail ne prévoit pas de conditions de forme particulière pour démissionner. La démission peut ainsi résulter d'une manifestation orale ou écrite et même d'un comportement clair et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail. Elle ne se présume jamais.
Il est possible qu'une convention collective ou les dispositions du contrat de travail prévoient des conditions de forme spécifiques pour pouvoir démissionner.
Même si aucun écrit n'est obligatoire, il est fortement conseillé aux salariés et aux employeurs de rédiger une lettre de démission (si possible par lettre recommandée avec accusé de réception) afin d'éviter toute contestation quant à la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner. Cela permet, de plus, de définir le point de départ du préavis.
Dans la pratique, la démission se matérialise souvent par une lettre. Dans ces cas, elle peut être remise à tout supérieur hiérarchique même lorsque celui-ci n'a pas reçu mandat du dirigeant de la structure (Cass, soc. 15 mars 2006 ).
b.Volonté claire et non équivoque de démissionner
La démission doit résulter d'une volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner.
La théorie des vices du consentement s'applique également dans le cadre de la démission. Si la volonté de démissionner est viciée, la démission peut être annulée.
En cas de contestation de la démission, les juges vont en analyser les circonstances. Quelques illustrations de jurisprudence :
1.Comportements relatifs au salarié
- Etat psychologique du salarié. Au moment de la démission, le salarié peut ne pas se trouver dans un état psychologique normal (démission sous le coup de la colère par exemple). Les juges peuvent alors considérer que le salarié n'a pas manifesté clairement et de façon non équivoque sa volonté de démissionner, son comportement étant altéré par son état psychologique.
- Embauche chez un autre employeur. Le fait, pour un salarié, après son congé maladie, de ne plus se rendre sur son lieu de travail et de se mettre à disposition d'un autre employeur, a été reconnu comme une démission (Cass, soc. 8 déc. 1999. Inédit).
- Abandon de poste. Si aucune justification n'est fournie à l'employeur en cas d'arrêt de travail, les juges apprécieront aussi si des circonstances suffisantes confirment la volonté claire et non équivoque de démissionner. En effet, pour la Cour de cassation, " en l'absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, il appartient à l'employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier " (cass. Soc. 10 juillet 2002 n°00-45566).
- Suite d'un arrêt de travail ou d'un congé. Dans certaines situations (arrêt maladie, congés payés, congé maternité, etc.), le salarié est supposé reprendre le travail. Le retour tardif du salarié après un arrêt de travail sans justification ne constitue pas nécessairement pour les juges une volonté claire et non équivoque de démissionner. Si l'employeur estime que l'absence du salarié n'est pas justifiée, il peut mettre en œuvre la procédure de licenciement (cass. soc. 24 janv. 1996 n° 92-43868).
- Changement des conditions de travail. Le salarié qui refuse le changement des conditions de travail n'est pas considéré comme démissionnaire (cass. soc. 25 juin 1992 ). Le refus de changement des conditions de travail ne constitue pas une manifestation claire et non équivoque de démissionner. L'employeur doit alors le licencier pour faute.
- Rétractation du salarié. Lorsque la démission est claire et non équivoque, elle est définitive. Le salarié ne peut pas se rétracter ou, du moins, l'employeur n'est pas tenu d'accepter la rétractation du salarié.
2.Comportements relatifs à l'employeur
a.Pressions de l'employeur
L'employeur peut profiter d'une situation de dépendance du salarié pour influer sur son comportement. Par conséquent, dans ces hypothèses, le salarié démissionnant sous l'emprise d'un harcèlement de son employeur n'est pas considéré par les juges comme ayant manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner.
b.Faute de l'employeur, requalification en prise d'acte
Lorsque l'employeur commet une faute ou ne respecte pas ses obligations contractuelles (par exemple, ne pas verser les salaires), les tribunaux considèrent que la volonté claire et non équivoque de démissionner n'existe pas. Le tribunal peut alors requalifier une "démission" en licenciement sans cause réelle et sérieuse (voir étude "Licenciement : indemnités et préavis" ).
Une démission effectuée à la suite de comportements fautifs doit être requalifiée en prise d'acte. Si les faits reprochés par le salarié à son employeur sont justifiés, la prise d'acte a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A défaut, elle est qualifiée de démission (Cass. 15 mars 2006 ; Cass, soc. 13 déc. 2006 ) et l'employeur est en droit de réclamer l'indemnité compensatrice de préavis à son salarié (Cass, soc. 8 juin 2011 ).
Le salarié doit faire état du non respect des obligations contractuelles par l'employeur dans sa lettre de démission.
Le contrat de travail prend fin à la date de la prise d'acte, c'est-à-dire à la date d'envoi de la lettre par laquelle le salarié notifie à l'employeur sa décision (Cass. soc., 17 novembre 2015, n°14-19925). La prise d'acte par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.
A titre d'exemples, plusieurs faits ont été reconnus par les juges comme justifiant une prise d'acte :
- la modification de la rémunération contractuelle (Cass. soc., 10 décembre 2014, n°13-23392) ;
- la modification des fonctions, même si l'employeur y a renoncé ensuite (Cass. soc., 16 juin 2016, n°15-12134) ;
- le retrait de la fonction d'encadrement (Cass. soc., 4 novembre 2015, n°13-14412) ;
- le passage imposé d'un temps plein à un temps partiel (Cass. soc., 23 septembre 2014, n°13-18004) ;
- le non remboursement de frais professionnels pendant plusieurs années, ce qui affectait significativement la rémunération du salarié (Cass. soc., 5 octobre 2016, n°14-28878).
II.Période de préavis
a.Salariés concernés
Un salarié ne peut démissionner sans effectuer, au préalable, un préavis (art. L1237-1 du Code du travail ), sauf :
- les salariés en cours de période d'essai (art. L1231-1 du Code du travail ) (voir étude "Période d'essai" ( ) ;
- les femmes enceintes (art. L1225-34 du Code du travail ) ;
- à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant : "Pour élever son enfant, le salarié peut (…) rompre son contrat de travail à l'issue du congé de maternité ou d'adoption (…) sans être tenu de respecter le délai de préavis, ni de devoir de ce fait d'indemnité de rupture", sous réserve d'effectuer certaines formalités (art. L1225-66 du Code du travail ). Le salarié doit toutefois informer son employeur au moins 15 jours avant la fin du congé de maternité, ou, pour le père, avant la fin d'un délai de 2 mois après la naissance ou l'adoption (voir étude "Maternité" ) ;
- le salarié en congé pour création d'entreprise. Le salarié doit toutefois informer son employeur, 3 mois au moins avant la fin de son congé ;
- les salariés embauchés en contrats emploi-jeune. Ils peuvent rompre leur contrat sans période de préavis afin d'effectuer une période d'essai afférente à une offre d'emploi (art. L5134-1 du Code du travail ).
b.Durée du préavis et calcul
1.Point de départ du préavis
En principe, le délai de préavis court à compter du jour de la notification à l'employeur. Toutefois, le point de départ du préavis peut être différé à une date ultérieure, si le salarié l'a précisé dans sa lettre de démission (Cass, soc. 16 déc. 1997 ).
Si la démission est donnée par oral ou par lettre remise contre décharge (consulter un modèle de lettre de démission en fin d'étude), le préavis commence à courir dès ce jour.
2.Durée
La durée du préavis en cas de démission est fixée par les conventions ou accords collectifs de travail, ou à défaut par les usages pratiqués dans la localité et dans la profession, ou encore par le contrat de travail (art. 1237-1 du Code du travail ).
Fixation de la durée de préavis par les conventions ou accords collectifs de travail.
Dans le cadre de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, la durée de préavis est fixée à (art. V.8 de la convention ) :
- 3 mois pour les cadres ;
- 2 mois pour les agents de maîtrise ;
- 1 mois pour les employés-ouvriers ;
- 3 mois pour les artistes-musiciens engagés en CDI (art. XV I.4 de la convention).
Lorsqu'une convention ou accord collectif prévoit des dispositions spécifiques relatives à la démission, ces dispositions ne peuvent être écartées, même par un usage professionnel ou local plus favorable.
La convention collective des entreprises du secteur privé du spectacle vivant prévoit les préavis suivants (art. 7.7) :
- pour les artistes-interprètes : 1 mois de travail effectif jusqu'à 2 ans d'ancienneté et 2 mois après 2 ans d'ancienneté ;
- pour les employés qualifiés groupe 2, groupe 1 et employés : 1 mois de travail effectif jusqu'à 2 ans d'ancienneté et 2 mois après 2 ans d'ancienneté ;
- pour les agents de maîtrise : 2 mois de travail effectif ;
- pour les cadres (groupes 1 à 3) : 3 mois de travail effectif.
Fixation par les usages pratiqués dans la localité et la profession. A défaut de dispositions spécifiques dans les conventions collectives, il faut se référer aux usages. La durée du préavis résultant des usages est souvent fixée à :
- 3 mois pour les cadres ;
- 2 mois pour les agents de maîtrise, techniciens et employés ;
- 1 semaine pour les ouvriers.
Si aucun usage n'existe dans la profession considérée, il n'y a pas de préavis à respecter (Cass, soc. 28 oct. 1992
Fixation par le contrat de travail. Il est possible, dans le contrat de travail, de fixer une durée de préavis plus courte (mais pas de durée plus longue) que celle prévue par la convention collective applicable (art. L2254-1 du Code du travail ).
La durée dé préavis se calcule de date à date, le nombre de jours dans le mois n'ayant aucune conséquence.
c.Modalité d'exécution du préavis
Le salarié dispose des mêmes droits et obligations que lors de toute la durée de son engagement. Le contrat de travail continue de s'exécuter normalement par le salarié et l'employeur.
1.Droit d'absence pour recherche d'emploi
De nombreux usages ou conventions collectives autorisent les absences du salarié démissionnaire au cours du préavis pour rechercher un emploi.
Il est ainsi prévu : "Pendant la période de préavis, le salarié pourra s’absenter jusqu’à concurrence de 2 heures par jour pour rechercher un emploi. Ces heures pourront être éventuellement cumulées. Dans ce cas, le salarié devra prévenir l’employeur au moins 48 heures à l’avance" (art. V.8 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles).
Les conventions collectives du secteur privé ne prévoient rien sur la démission et donc rien sur le droit d'absence. Il en est de même dans la convention collective de l'animation. Dans ces cas, les usages prévoient souvent une autorisation d'absence fixée à 2 heures par jour.
2.Interruptions de travail
En principe, la durée de préavis ne supporte pas de suspension ni d'interruption. Toutefois :
- l'employeur et le salarié peuvent décider du contraire ;
- en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, la période de préavis est suspendue pendant la durée d'absence ;
- en cas de prise de congés payés pendant la période de préavis, celle-ci est également suspendue.
Le délai de préavis n'est pas suspendu en cas d'arrêt pour maladie non professionnelle (Cass, soc. 11 juil. 2000 ).
d.Dispense de préavis
A la demande du salarié. Celui-ci peut demander à son employeur qui a le choix d'accepter ou non de ne pas effectuer de période de préavis.
La dispense de préavis par le salarié et l'employeur doit résulter d'un comportement clair et non équivoque. La volonté claire et non équivoque peut, par exemple, se déduire de la signature du reçu pour solde de tout compte par le salarié démissionnaire à une date antérieure à l'expiration du préavis. Il en résulte que la date de rupture du contrat est la date de signature du reçu (Cass, soc. 28 janv. 1998 ).
A la demande de l'employeur. Si l'employeur décide unilatéralement de la dispense de travail pendant la période de préavis, il devra payer au salarié toute la rémunération et les avantages qu'il lui devait alors que celui avait manifesté la volonté d'effectuer la période de préavis réglementaire, ainsi que l'indemnité de congés payés (art. L1234-5 al.2 ).
e.Indemnités de rupture
1.Indemnité compensatrice de congés payés
2.Indemnité due par le salarié en cas de non-respect de préavis
La rupture brutale du contrat de travail par le salarié peut avoir des conséquences importantes dans l'organisation de l'entreprise. C'est pourquoi le non respect de la période de préavis par le salarié peut être sanctionné par une indemnité compensatrice de préavis due à l'employeur. Il s'agit d'un droit pour l'employeur qui n'a pas besoin de démontrer un préjudice particulier (Cass, soc. 24 mai 2005 ).
Par ailleurs, si la rupture est considérée comme abusive par les juges, l'employeur peut obtenir des dommages et intérêts (art. L1237-2 du Code du travail ).
III.Situation du salarié à la fin du contrat
a.Au regard du contrat de travail
Tout engagement vis-à-vis de l'employeur par le salarié est rompu définitivement. Toutefois, certaines obligations et droits subsistent.
Clause de non concurrence. En cas de démission, la clause de non concurrence si elle est valable (donc conforme aux intérêts de l'entreprise, restreinte quant à la nature de l'activité salarié, limitée dans le temps et l'espace) continue à s'appliquer (voir étude "Contrat de travail à durée indéterminée" ; cf. I.C.2).
Couverture santé et prévoyance. Si la démission est considérée comme légitime par Pôle emploi, le démissionnaire garde son régime de couverture prévoyance au regard de la convention d'assurance chômage.
b.Allocations chômage
La démission ne donne pas droit aux indemnités de chômage, sauf dans certains cas où le départ est considéré comme légitime.
Constituent notamment des démissions légitimes :
- la démission pour suivre son conjoint ou son partenaire Pacsé devant déménager en raison d'un nouvel emploi ;
- la démission d'un salarié en contrats aidés pour exercer un nouvel emploi ou suivre une formation ;
- la démission suite au non-paiement des salaires par l'employeur ;
- la démission pour un projet de reconversion professionnelle dans certaines conditions liées à la durée d'activité salariée continue et au projet de reconversion ;
- la démission intervenue à la suite d'un acte susceptible d'être délictueux dont le salarié déclare avoir été victime à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République ;
- la démission pour suivre son enfant handicapé admis dans une structure d'accueil dont l'éloignement entraîne un changement de résidence ;
- la démission d'un journaliste ayant fait jouer sa clause de conscience.
En dehors de ces cas, toutes les personnes démissionnaires qui n'ont pas retrouvé d'emploi dans les 121 jours (4 mois) qui suivent leur démission peuvent demander que leur dossier soit réexaminé par le Pôle emploi dont elles dépendent. Le versement des allocations est alors fonction des efforts de reclassement de la personne. Pour bénéficier de l'allocation chômage l'ex salarié doit saisir l'instance paritaire régionale et être en mesure de prouver une recherche active d'emploi pendant ce délai.
c.Obligations de l'employeur
Attestation et certificat de travail. L'employeur doit remettre au salarié ayant démissionné un certificat de travail (art. L1234-19 du Code du travail ), le reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi afin qu'il puisse faire reconnaître ses droits éventuels aux allocations chômage.
Signalement à l'Inspection du travail. L'employeur doit mentionner le départ du salarié sur le registre unique du personnel qui est à disposition de l'inspecteur du travail (art. D1221-29 du Code du travail).