Entretien avec Franck Ancel, à propos de Jacques Polieri
précurseur de la scénographie moderne
Théâtre
ENTRETIEN
Le psychanalyste Franck Ancel, spécialiste de Jacques Polieri, prépare une journée d'étude consacrée au scénographe et metteur en scène intitulée « Scénographie et/ ou symbiose », quatrième rencontre du cycle de recherche Scénographie et technologie. Cette journée, qui aura lieu le 15 mai 2023 sur le site Richelieu de la Bibliothèque Nationale de France, est l'occasion de se plonger à nouveau dans l'œuvre de Jacques Polieri. Au micro de Dorothée Burillon, Franck Ancel revient sur le parcours de celui qui a inventé la scénographie moderne.
À propos de Jacques Polieri
Metteur en scène, scénographe et théoricien, Jacques Polieri (1928-2011) est considéré aujourd’hui comme le précurseur de la scénographie moderne. Fondateur avec Le Corbusier des Festivals de l’art d’avant-garde, dont le premier, en 1956, lui fait atteindre une notoriété internationale, on lui doit de nombreuses mises en scène des œuvres de Mallarmé, Kafka, Schnitzler, Pirandello, Ionesco, Tardieu, Butor ainsi que des peintres Brancusi, Klee ou Miro…
Fruit de recherches formelles visant l’éclatement de la scène de théâtre et l’exploitation de toutes les possibilités de l’espace, les créations de Jacques Polieri s’inscrivent dans le détournement du lieu scénique et, à partir de 1964, l’élargissement de ce dernier par le champ du virtuel et l’utilisation des nouvelles technologies électroniques.
Le metteur en scène participe en effet à une redéfinition de la scénographie qui, jusqu'à présent seulement circonscrite à la scène, devient alors un art de l’espace. Jacques Polieri dialogue avec les arts et les médias, pensant son théâtre comme un peintre travaille sa toile ou un musicien écrit sa partition. Que ce soit avec ses salles annulaires de Paris (1960) et de Grenoble (1968) où le spectateur est entouré par la représentation, par son théâtre du mouvement total avec une salle mobile tridimensionnelle pour l’Exposition Universelle d’Osaka (1970) ou encore ses Jeux de communication vidéo interactifs pour les Jeux Olympiques de Munich en 1972, Jacques Polieri révolutionne l’espace théâtral, se libère des carcans de la salle à l’italienne, ouvrant ainsi la voie à un autre type de représentation.
Jeux de communication vidéo. Jeux Olympiques. Munich, 1972.
Dans sa biographiePolieri, Une passion visionnaire, Michel Corvin analyse en effet ce qu’il appelle « l’orchestration des arts » de Polieri, pour désigner la capacité du metteur en scène à allier arts plastiques, jeux de lumières, musique et projection de vidéos, dont le but est de développer un rapport sans cesse renouvelé avec le spectateur, lequel dialogue avec l’œuvre par une multitude d’entrées sonores et visuelles. Cette façon de composer avec les arts, d’être toujours soucieux de l’interdisciplinarité et de ce qu’il appelle l’art de la « combinatoire », permet à Jacques Polieri de poursuivre une forme de théâtre toujours ouverte et de démultiplier la représentation.
Également théoricien de la mise en scène, on doit à Jacques Polieri de nombreux articles et ouvrages, parmi eux : « Scénographie nouvelle », article paru dans le n°42-43 de la Revue Aujourd’hui art et architecture (1963), Scénographie, Sémiographie (1971), Jeux de communication I, II (1981) ou encore 50 ans de recherches dans le spectacle (2006).
Peu avant sa mort, Jacques Polieri a fait don de ses archives à la Bibliothèque Nationale de France. Ce fonds de documents, qui rassemble ses correspondances, manuscrits, photographies, maquettes et documents audiovisuels, est disponible à la consultation au département des Arts du spectacle de la BnF (ici).
Pour aller plus loin :
Publications de Jacques Polieri
Jacques Polieri,Scénographie : Sémiographie, Paris, Denoël, coll. « Grand Format / Médiations » (n° 17), 1971.
Jacques Polieri,Jeu(x) de communication : recherches, éléments théoriques, Paris, Denoël, coll. « Grand Format / Médiations » (no°33), 1981.
Jacques Polieri,Atlan, Catalogue raisonné, Éditions Gallimard, 1996.