Jean-Baptiste André est de cette génération de circassiens qui a repoussé les frontières, avide d'inventer un cirque nouveau, mâtiné de tous les arts. Il est acrobate sur les mains, clown, danseur, promène son corps caoutchouc du côté du théâtre, des arts visuels, de la performance. Longtemps, il n'a pas su où se situer dans le cirque, mais a fait de cette illégitimité supposée, une vaccination définitive contre le syndrome de la répétition.
Jean-Baptiste André traverse le temps tel un Pierrot lunaire, pondéré mais dépouillé des oripeaux sentencieux de la figure traditionnelle. Tous ceux qui travaillent avec lui connaissent son élégance, sa politesse, sa gourmandise pour l'autre. Jamais de colère, de la mesure et une immense bienveillance. Il est pourtant loin d'être le beau profil un peu lisse que ces premiers mots pourraient suggérer. Car toutes les aventures qu'il suscite, si elles ont vite fait de le ranger du côté des « inclassables », ce terme qu'on affectionne tant dans le métier quand on ne sait comment mettre en case, disent en fait, sa propension à toujours se risquer du côté de ce qu'il maîtrise le moins. Une forme de liberté qui n'a besoin ni de tambours ni de trompettes pour s'exprimer pleinement. Et ce, depuis 20 ans. À 41 ans, Jean-Baptiste André y a gagné plus qu'une place, un vrai parcours, une œuvre.
Dès ses premiers spectacles, il aura annoncé la couleur. Intérieur nuit (2004), sa première pièce entre danse, cirque et arts visuels, fait de lui un jeune prodige. « Acrobate impressionnant, chantre du renouveau du cirque, exceptionnel, une séduction singulière, de la finesse, un chef d'œuvre ! » La presse est dithyrambique. C'est un boulevard qui s'offre au jeune circassien. Et pourtant, la face 2 du diptyque, Comme en plein jour (2006), amorce un virage à 180°. Car si les deux pièces explorent deux faces de la métamorphose des corps et de leur précaire équilibre, la filiation s'arrête là. Le second opus se dépouille de sa séduction visuelle, le créateur y joue de l'austérité pour une forme « plus radicale, plus minérale » comme il l'analyse.