Sous l’impulsion de sa nouvelle directrice, Lætitia Delpech, La Mégisserie amorce une réorientation de son projet artistique qui se concrétisera par l’obtention d’un conventionnement Art, enfance, jeunesse.
Jusqu’ici Secrétaire générale du Tangram (Évreux-Louviers) qui regroupe une scène nationale, un Palais des Congrès et une scène de musiques actuelles, Lætitia Delpech opère un changement radical en rejoignant La Mégisserie (Saint-Junien, Haute-Vienne), établissement public de coopération culturelle (EPCC) géré par la Communauté de communes Vienne-Glane — 23 000 habitants. Un choix parfaitement assumé. Car cette native de Dordogne, élevée dans un village périgourdin de 250 âmes, a toujours émis le désir de revenir sur ses terres du Sud-ouest. À l’affût d’opportunités dans la région, elle se réjouit aujourd’hui de prendre la direction d’un lieu « à taille humaine », de pouvoir aussi mener des actions en ruralité et mettre ainsi à profit sa longue expérience du hors les murs acquise au Tangram. « Le projet porté par Olivier Couqueberg a fortement contribué à l’implantation de nombreuses compagnies appréciant de travailler avec les habitants », ajoute Lætitia Delpech. En auscultant le territoire, la directrice a en outre constaté que celui-ci attirait de nouvelles populations, plus jeunes, en particulier des familles. La nécessité de réorienter la vocation de La Mégisserie (scène conventionnée d’intérêt national Art en territoire, pour les imaginaires et l’éducation populaire depuis 2014) en direction de l’enfance et de la jeunesse s’est alors imposée à elle. Aux antipodes de son prédécesseur, qui défendait un projet résolument politique et engagé, Lætitia Delpech souhaite non seulement s’adresser prioritairement aux enfants et à leurs parents, mais aussi les inciter à fréquenter le lieu. « Nous continuerons évidemment à nous rendre dans les communes. Néanmoins, il me semble important d’habiter ce magnifique équipement », précise-t-elle. À juste titre, puisque celui-ci dispose d’infrastructures propices à une grande diversité de formes : un parvis, un vaste hall d’entrée, un amphithéâtre de 350 places, une salle de répétition/création (Le Cube), deux salles réservées aux réunions et ateliers, un second hall de 150 m2 dans lequel il est possible d’organiser des expositions, des concerts et des cabarets, ainsi que des espaces extérieurs en lisière d’une forêt. Désormais, l’activité décentralisée se concentrera sur les établissements scolaires, avec la présence d’équipes artistiques créant in situ pour les salles de classes (qui, comme souvent en milieu rural, accueillent des élèves d’âges différents) et les cours de récréation.
Dans les murs, la programmation, paritaire (12 femmes pour 9 hommes ou collectifs durant la saison 2023/2024), reflétera des esthétiques très éclectiques : du théâtre documentaire (Tenir debout, conçu par Suzanne de Baecque), de tréteaux (Poquelin II, par le tg STAN), de marionnettes et objets (Buffles, mis en scène par Émilie Flacher) ou musical (Le Chant du père, de Hatice Özer), des écritures contemporaines et jeune public (Morphé, de Simon Falguières), de la danse (Le Bal fou des années folles, proposé par David Rolland) ou encore de la performance (Mu, de Marion Muzac, à la croisée de la danse, de la musique et de l’installation plastique) et du cirque contemporain (Searching for John, de et par Stefan Kinsman). Certains spectacles seront coproduits avec d’autres structures du territoire (comme cela est déjà le cas cette saison pour Foi Amour Espérance des compagnies La Luzège et Champ Libre, accompagné par le Théâtre de l’Union-Centre dramatique national de Limoges, le Théâtre Jean Lurçat, scène nationale d’Aubusson et le Théâtre du Cloître de Bellac), et La Mégisserie proposera également à ses spectateurs d’aller découvrir des productions au Théâtre de l’Union ou à l’Opéra de Limoges. Afin, par ailleurs, de séduire de plus larges publics, Lætitia Delpech a mis à l’affiche 12 compagnies nationales (contre 17 issues de la Nouvelle-Aquitaine). Consciente toutefois de la difficulté à les toucher au-delà d’un périmètre géographique exigeant 45 minutes de transport, elle mise sur l’organisation d’un festival dédié aux adolescents et jeunes adultes et construit avec eux. « Le fait d’y programmer des créations permettra à La Mégisserie, déjà bien identifiée dans la région, d’être davantage repérée sur le plan national », souligne sa directrice.
Pour le moment, celle-ci se consacre à la rédaction du projet préparatoire à l’obtention du conventionnement Art, enfance, jeunesse prévue à l’été 2024. « Aucune scène néo-aquitaine n’en bénéficiant, cette démarche est perçue de manière favorable par les partenaires », se félicite Lætitia Delpech, qui pourra ainsi mieux soutenir les compagnies jeune public (secteur dont l’économie demeure précaire), en production et en diffusion, et développer l’éducation artistique et culturelle. Tout en saluant le travail accompli pendant 12 ans par Olivier Couqueberg, elle estime qu’un renouvellement en profondeur de l’identité et des missions de La Mégisserie s’avérait indispensable. Et entend, pour le réussir, s’appuyer sur la fidélité manifestée par le public ; laquelle, en dépit de la crise sanitaire, ne s’est jamais démentie.