En mutualisant des outils au service de la fabrication de projets artistiques, Cromot souhaite favoriser la rencontre entre les différents acteurs (artistes, producteurs, administrateurs...) du spectacle vivant. Visite guidée avec son fondateur, Colin Pitrat.
À la recherche de nouveaux espaces de travail, le directeur du bureau de production Les Indépendances, Colin Pitrat, avait d’emblée émis le désir que ceux-ci soient partagés avec d’autres producteurs et administrateurs (lesquels éprouvent souvent un sentiment d’isolement) et abritent également des studios de répétition. Son choix se porta alors sur un Hôtel particulier du 18e siècle situé au cœur de l’ensemble Cromot du Bourg, rue Cadet à Paris (9e arrondissement). La Ville de Paris, la Mairie d’arrondissement et la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) ayant donné leur accord, l’association Cromot reçut en 2020 la mission de développer un projet innovant alliant la création et la production. D’importants travaux de rénovation (budget de 800 000 €) réalisés par le cabinet Modal Architecture allaient permettre de transformer le bâtiment en un lieu (800 m2 de surface totale, répartis sur deux niveaux) capable, par la multiplicité de ses usages, de répondre aux attentes exprimées par les artistes comme les professionnels du spectacle vivant.
En poussant la porte d’entrée, on découvre un hall disposant d’un espace salon et où seront bientôt installés dix postes de coworking. Juste à côté, sous une verrière, un studio de 130 m2, baigné de lumière, avec au sol un parquet et un tapis de danse, offre un espace de répétition idéal aux danseurs, chorégraphes, comédiens et metteurs en scène, qui pourront en outre y convier du public et des professionnels lors de sorties de résidence. « La présence d’une paroi mobile permet de porter la superficie à 200 m2 et ainsi de privatiser le studio pour des manifestations événementielles », ajoute le fondateur de Cromot, Colin Pitrat. À proximité, des vestiaires et des douches, ainsi qu’une buanderie, ont été aménagés. Au rez-de-chaussée toujours, un vaste open space est investi à l’année par les équipes de deux bureaux de production, Les Indépendances et Fabrik Cassiopée. Deux salles de réunion mitoyennes seront, le cas échéant, mises à disposition d’administrateurs accompagnant des artistes durant une résidence. Le sous-sol s’organise autour de deux studios plus petits – le premier d’une surface de 95 m2, avec tapis de danse, le second, de
56 m2, avec plancher ou tapis de danse – complétés par un espace atelier (pour réaliser de menus travaux de construction, d’assemblage, de couture ou de peinture…) et un espace de repos. Les caves de l’hôtel particulier ont, quant à elles, été transformées en une salle de 80 m2 pouvant être utilisée pour des rendez-vous, des réunions d’équipes, un travail d’écriture ou de lecture à la table. Un lieu de stockage a également été prévu. Enfin, Cromot possède dans le quartier un appartement meublé où héberger des résidents venant de différentes régions de France.
L’ensemble des infrastructures est ouvert aux artistes, aux auteurs, aux administrateurs, aux chargés de production et de diffusion ou encore à des structures culturelles (lieux de diffusion, associations...) en quête d’espaces de résidence, de présentation de travaux ou de réunion à Paris, moyennant la souscription d’une adhésion. Plusieurs formules, allant de 60 HT € à 250 € HT/mois, conditionnent le temps d’occupation (une demi-journée, une journée ou une semaine) et l’accès à de plus ou moins grands espaces. Au-delà du forfait, il est possible d’allonger (à des tarifs préférentiels) la durée de présence. La réservation des créneaux s’effectue via le site web de Cromot ou l’application dédiée. « Grâce au mécénat, que nous développons actuellement, nous aimerions allouer à des compagnies émergentes ou de jeunes bureaux de production des bourses qui couvriraient les frais d’adhésion », précise Colin Pitrat.
Bien que principalement destiné aux professionnels, Cromot se veut également en phase avec la vie culturelle du quartier et accessible à ses habitants. Si les élèves du Conservatoire municipal profitent d’ores et déjà gracieusement du grand studio le vendredi soir et le samedi, d’autres cours de pratique artistique devraient prochainement être dispensés le week-end. Par ailleurs, les publics seront régulièrement conviés à des lectures, des étapes de création, des workshops et, à terme, d’autres événements tels que des cartes blanches confiées à des écrivains, des dessinateurs ou encore des musiciens.
La principale ambition du projet est toutefois de susciter la rencontre entre toutes les parties prenantes, les plus variées possible, d’un projet artistique. « Les temporalités de la création et de la production, très différentes, de même que la configuration des théâtres, ne favorisent pas une fluidité des échanges », regrette Colin Pitrat, qui mise sur le croisement permanent entre les adhérents, débutant dans la profession ou plus aguerris, pour inverser la donne. D’abord informels et festifs (apéritifs, repas, cours de yoga…), les rendez-vous collectifs évolueront ensuite vers des temps de formation et de réflexion partagée, avec la présence d’experts, de représentants d’organisations professionnelles (comme Lapas, association des professionnels de l’administration du spectacle) et de réseaux. Sont également envisagés des jumelages avec d’autres lieux similaires à l’étranger qui se traduiront par la mise en place de résidences croisées (aussi bien pour les artistes que pour les producteurs) permettant de découvrir d’autres écosystèmes européens, de confronter les pratiques et de travailler la mise en réseau à l’échelle internationale.
Pour assurer son fonctionnement, l’association Cromot – qui acquitte un loyer à la RIVP – table sur une communauté d’une soixantaine d’adhérents, la location à l’année par les deux bureaux de production, le mécénat, et l’obtention d’autres ressources propres via la privatisation du grand studio quatre fois par an lors de Fashion Week et la proposition de cours de danse et de théâtre. Hormis une aide à l’investissement attribuée par la Ville de Paris pour l’achat de matériel, elle ne dispose en effet d’aucune subvention publique, et a décidé de ne pas en solliciter. Un choix audacieux, que Colin Pitrat justifie par la fragilité actuelle du secteur et donc une nécessaire solidarité envers les artistes, les compagnies et les lieux contraints de composer avec une diminution des moyens financiers. « Nous allons faire en sorte de développer un nouveau modèle économique. De nombreuses inconnues existent, mais notre état d’esprit demeure joyeux », conclut-il.
Cromot
9, rue Cadet
75009 Paris
contact@cromot.com