Face aux menaces que l’intelligence artificielle fait peser sur la création et le respect des droits des auteurs, la société de gestion collective estime urgent d’édicter plusieurs obligations juridiques.
Si le développement croissant de l’intelligence artificielle (IA) est en passe d’affecter tous les secteurs d’activité, il promet également de bouleverser profondément le travail des créateurs et l’utilisation de leurs œuvres. Jugeant dès lors nécessaire de définir de nouvelles règles juridiques « pour éviter que l’intelligence artificielle ne se substitue demain à la création humaine, n’efface les créateurs et ne remette en cause les droits, moraux et patrimoniaux, des auteurs », la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a présenté le 31 août cinq propositions en faveur d’une intelligence artificielle éthique, responsable et respectueuse des droits des auteurs.
• Une obligation générale de transparence dans l’utilisation des œuvres par les intelligences artificielles
La SACD affirme que « l’entraînement des services basés sur l’intelligence artificielle à partir d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques existantes ne peut continuer à se faire dans l’ignorance des auteurs de ces œuvres et sans leur consentement ». Considérant l’exception prévue par la directive européenne sur le droit d’auteur sur la fouille des données inapplicable à ces nouvelles pratiques, elle préconise d’imposer aux entreprises qui assument la responsabilité de tels services numériques « une obligation d’information sur les œuvres ayant été exploitées dans le cadre du développement d’un outil d’intelligence artificielle ».
• L’identification des œuvres assistées ou créées par une intelligence artificielle
Il s’agira de favoriser l’accès à une base de de données recensant les œuvres créées par une intelligence artificielle ou avec l’appui de celle-ci. « C’est une exigence forte pour protéger les auteurs et autrices dont les créations doivent être les seules à pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur. C’est aussi un principe de transparence nécessaire et d’honnêteté à l’égard du public », fait valoir la SACD.
• La reconnaissance d’un opt-out effectif pour les auteurs
Selon la SACD, « tous les moteurs d’intelligence artificielle doivent offrir la possibilité effective aux titulaires de droit d’interdire l’accès à leurs œuvres selon des procédés simples et accessibles à tous ».
• La garantie du respect du droit d’auteur, tant le droit moral que patrimonial
Une clause permettant à un auteur de s’opposer à l’exploitation de son œuvre par une intelligence artificielle sera intégrée à la nouvelle version, publiée prochainement par la SACD, de ses conditions générales d’autorisation des diffuseurs audiovisuels et de son contrat-type utilisable par les auteurs pour la cession des œuvres audiovisuelles et cinématographiques à un producteur. Par ailleurs, la SACD estime impératif que l’exploitation des œuvres, autorisée par les auteurs, s’inscrive « dans le cadre d’un modèle économique basé sur l’octroi d’une licence d’autorisation des œuvres par un organisme de gestion collective, en contrepartie d’un pourcentage des recettes générées par les opérateurs d’intelligence artificielle ».
• La nécessité d’une régulation de l’utilisation des œuvres par les IA
À l’instar du modèle de supervision et de contrôle du respect des données personnelles mis en place par l’Union européenne, « un organisme de régulation devrait pouvoir enregistrer et contrôler les déclarations des activités des fournisseurs de services liés à l’intelligence artificielle, en particulier concernant l’exploitation d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et disposer de pouvoirs d’investigations étendus et de sanctions effectives ». La SACD plaide pour l’instauration d’une politique de régulation à l’échelon européen, mais aussi en France, à l’initiative des pouvoirs publics et notamment du ministère de la Culture et du Centre national du cinéma et de l’image
animée (CNC). « Il est urgent d’évaluer à court et moyen terme les conséquences de l’intelligence artificielle sur la création française et de définir les contours d’une réaction rapide et adaptée de nature à préserver sa diversité, le travail des auteurs et autrices et la pérennité de leurs droits », conclut-elle.