Sandy Ouvrier succédera le 1er juillet à Claire Lasne Darcueil avec la volonté de pérenniser les grandes lignes de son action, et d’inscrire le Conservatoire en phase avec les enjeux de la société et de la scène théâtrale actuelles.
Ancienne élève du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD-PSL) et titulaire d’une classe d’interprétation depuis 2008, Sandy Ouvrier semblait toute désignée pour prendre la direction d’un établissement qu’elle confie en outre aimer passionnément. Mais ce sont surtout une communion de pensée avec Claire Lasne Darcueil et l’envie de poursuivre son action qui l’ont incitée à franchir le pas. « Claire a défendu un projet très important, placé sous le signe de l’ouverture, de l’inclusion, de l’égalité et de la diversité. Elle a fait en sorte que le Conservatoire soit véritablement une école de la République, ce qui fut extrêmement précieux et motivant pour moi », souligne Sandy Ouvrier. Appelée désormais à tracer son propre chemin, tout en veillant à le rendre « commun » à l’ensemble des forces vives du CNSAD-PSL – élèves, équipes pédagogiques, administratives et techniques – la future directrice entend s’appuyer sur la fonction originelle du théâtre, « lieu d’où on regarde le monde ». Afin de répondre aux enjeux de la société actuelle, comme aux aspirations des jeunes générations avec lesquelles elle a noué au fil des ans un dialogue fécond, Sandy Ouvrier définit plusieurs priorités. Tout d’abord, engager plus avant le Conservatoire sur la voie de la transition écologique, en adoptant des mesures concrètes (montage des productions, éco-conception des scénographies…) consignées dans une charte, mais aussi en plaçant cette préoccupation au cœur même de la création. « L’idée est de favoriser l’émergence de nouveaux récits, de proposer à des autrices et auteurs d’écrire pour et avec les élèves des textes qui convoquent des questions écologiques », précise-t-elle. Un autre objectif a trait au répertoire, qu’elle souhaite ouvrir davantage aux écritures contemporaines : celles portées par des autrices d’hier (dans le sillage des travaux d’Aurore Evain sur le matrimoine) et d’aujourd’hui, ainsi que par des auteurs originaires de différents continents.
En matière de formation, Sandy Ouvrier s’attachera à consolider la place du Conservatoire au sein de Paris Sciences et Lettres (PSL), dont il est devenu en 2019 l’un des établissements composantes, et aspire à ce que les trois cycles « communiquent mieux » : le premier, qui délivre le Diplôme national supérieur professionnel de comédien, le second dénommé « Jouer et mettre en scène », et le troisième préparant à l’obtention du Doctorat SACRe. Par ailleurs, une plus grande porosité entre les disciplines enseignées (théâtre, chant, danse, clown, masque, musique, cinéma…) doit être, à ses yeux, encouragée, afin de nourrir l’apprentissage des élèves comme les pratiques des professeurs. « Des associations pourraient voir le jour, par exemple, entre le clown et le cinéma, et donner lieu à des spectacles », fait-elle valoir, actant la dimension transdisciplinaire de nombreux projets théâtraux actuels. L’approche cinématographique sera également approfondie – grâce à la présence de réalisatrices et de réalisateurs et à une collaboration envisagée avec la Femis – de même que le jeu en anglais et, pourquoi pas, dans d’autres langues.
Sur le plan de l’insertion, tout en continuant d’inviter les professionnels à découvrir des travaux et en maintenant ses liens naturels avec le Jeune Théâtre National, le Conservatoire estime nécessaire d’accompagner le désir, très prégnant, des élèves de créer leur compagnie. À cette fin, il abrite depuis plusieurs années une pépinière, baptisée La Rookerie. « Le cycle Jouer et mettre en scène va aussi dans ce sens, mais n’est pas suffisant. Il nous faut faciliter la rencontre entre artistes d’une même génération, que ceux-ci étudient dans nos murs, à la Femis ou au Conservatoire national supérieur de musique et de danse, et les aider à se structurer », affirme Sandy Ouvrier, qui aimerait également leur permettre de découvrir d’autres facettes de leur futur métier – l’action culturelle, la relation à un territoire – en s’immergeant dans des lieux de diffusion ou de fabrique artistique.
De nombreux chantiers, auxquels s’ajoute la recherche de locaux supplémentaires, indispensables au développement de l’activité de l’école, attendent donc la nouvelle directrice du Conservatoire. Celle-ci les aborde avec la joie de transmettre qui l’anime depuis toujours, une conscience aiguë du collectif et ce supplément d’âme que l’on perçoit dans son projet lorsqu’elle le synthétise en une phrase : « rêver ensemble un avenir radieux ».