Tout en soulignant de réels progrès, le Syndeac constate que les objectifs qu’il avait fixés voici trois ans n’ont pas été remplis, et que la parité réelle sera difficilement atteignable en 2024/2025.
Après l’Association des Centres dramatiques nationaux (ACDN), le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) publie sa propre étude sur la place des femmes dans les programmations des structures du spectacle vivant public. Celle-ci s’appuie sur les données agrégées par son partenaire, Les Archives du Spectacle (site qui regroupe 71 878 organismes et recense 140 612 spectacles), à partir des plaquettes de la saison 2021/2022. Le fait que ce panorama détaillé soit réalisé pour la troisième année consécutive permet de dégager une tendance, au regard des quatre indicateurs considérés : le nombre de metteuses en scène, le nombre d’autrices jouées, le nombre d’artistes femmes au plateau et le potentiel de public. Si, est-il indiqué en préambule, « tous (…) ont franchi, plus ou moins largement, le fameux « seuil d’invisibilité » (33%) théorisé dans les rapports de Reine Prat », la progression s’avère trop lente au regard des ambitions formulées par le Syndeac. Outre souhaiter voir la parité réelle atteinte dès la saison 2024/2025, celui-ci avait fixé une augmentation annuelle de 20 points pour les pourcentages inférieurs à 25% et de 10 points pour ceux entre 25% et 40%. Dans les deux cas, les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. Et l’augmentation moyenne par an des quatre indicateurs est de 2,9 points.
En ce qui concerne les spectacles mis en scène, 42% le sont par des femmes, contre 35% durant la saison 2019/2020 et 38% durant la saison 2020/2021. Bien que continue, l’amélioration n’est que de 7 points (au lieu des 10 espérés) par rapport au tout premier comptage. Parmi les disciplines, la marionnette et le jeune public (qui affichaient déjà l’an passé des scores paritaires ou approchant la parité) se distinguent avec, respectivement, 56% et 58% de spectacles montés par des femmes. Le cirque, à l’inverse, se montre le plus mauvais élève en termes de metteuses en scène accueillies : 32%. Une analyse par lieux révèle, quant à elle, « un réel effort en cours du côté des théâtres nationaux », illustré par une nette progression entre la saison passée (27% de metteuses en scène programmées) et celle considérée (44%). Le score des scènes nationales (39%) évolue également favorablement.
La situation des autrices, en revanche, apparaît moins enviable. Non seulement un tiers (35%) des spectacles programmés dans le réseau public est écrit par elles, mais la progression observée connaît « un net coup d’arrêt » : + 4 points entre les saisons 2019/2020 et 2020/2021 et + 2 points entre les saisons 2020/2021 et 2021/2022. Là encore, le répertoire jeune public sort du lot, avec des textes à 59% féminins, alors que le théâtre demeure en-dessous de la moyenne (34%). S’agissant des labels, les Centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public (CNAREP) restent ceux mettant le plus d’autrices à l’affiche (45%).
Mais c’est surtout le comptage du nombre d’artiste au plateau qui déçoit le Syndeac. En effet, si la parité est mieux atteinte que dans d’autres domaines (43% de femmes), les progrès, de saison en saison, sont à peine perceptibles : + 1 point chaque fois. Proches de la parité l’an passé, le jeune public (54%) et la marionnette (53%) sont, de nouveau, les premiers champs à proposer une majorité de femmes au plateau. La danse (48%) s’en rapproche, tandis que le cirque (32%) est toujours à la traîne. Côté labels, les Scènes conventionnées d’intérêt national (45%) et les théâtres nationaux (47%) s’engagent sur la bonne voie. Les Centres de développement chorégraphique nationaux, pour leur part, témoignent de progrès constants (53% de femmes), au contraire des Centres dramatiques nationaux (CDN) qui connaissent une trajectoire contraire : 47% de femmes au lieu de 53% lors du premier comptage. « La présence des femmes au plateau interroge par ailleurs indirectement la question de l’équilibre entre programmation d’œuvres du répertoire et de nouvelles créations, les premières étant connues pour ne pas être particulièrement favorables à la visibilisation du genre féminin », tient, par ailleurs, à souligner le Syndeac.
L’étude s’achève néanmoins sur une note positive, en abordant la question du potentiel de public susceptible d’assister à des spectacles portés par des femmes. En progrès de 6 points entre les saisons 2020/2021 et 2021/2022, cet indicateur est certes en deçà des objectifs du Syndeac, mais s’accorde à ceux établis par le ministère de la Culture (+ 5 points par an). En l’espace de trois ans, le potentiel de public est ainsi passé de 31% à 39%. Le Syndeac rappelle que cet indicateur est à corréler avec celui du nombre de metteuses en scène à l’affiche – « plus le nombre de metteuses en scène programmées est important, plus le potentiel de public peut grimper » ; à condition toutefois, s’empresse-t-il d’ajouter, que les femmes bénéficient de salles aux jauges comparables à celles offertes aux hommes. Sans surprise donc, les pourcentages les plus élevés se situent dans les secteurs du jeune public (57%) et de la marionnette (58%), tandis que les plus bas sont imputables aux disciplines (le cirque, 29%) et aux labels (les CNAREP, 35%) qui n’accordent pas une visibilité suffisante aux metteuses en scène.