Diligentée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, cette décision inédite provoque une onde de choc au sein du secteur culturel.
Les scènes subventionnées (Centres dramatiques nationaux, scènes nationales, Centres chorégraphiques nationaux et Centres de développement chorégraphique nationaux) viennent de recevoir un courrier émanant des Directions régionales des affaires culturelles (Drac) qui les enjoint de cesser les coopérations artistiques et culturelles avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Rédigées sur instructions du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, les consignes sont sans équivoque : « Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception. Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations, par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. À compter de ce jour, la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre. »
Face à cette immixtion, sans précédent, des enjeux politiques et diplomatiques dans la sphère culturelle, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), l’Association des Centres dramatiques nationaux (ACDN), l’Association des scènes nationales, l’Association des Centres de développement chorégraphique nationaux (l’A-CDCN) et l’Association des Centres chorégraphiques nationaux ont immédiatement et vivement réagi. Dans un communiqué commun, ils dénoncent « un message au ton comminatoire » et estiment que « cette interdiction totale concernant trois pays traversés par des crises en effet très graves n’a évidemment aucun sens d’un point de vue artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique ». Rappelant, en outre, que « cette politique de l’interdiction de la circulation des artistes et de leurs œuvres n’a jamais prévalu dans aucune autre crise internationale », le Syndeac demande la tenue d’une réunion immédiate avec le Secrétariat général du ministère de la Culture. « Il est urgent que le ministère de la Culture renonce à cette approche strictement diplomatique et défende enfin une politique culturelle et artistique », conclut-il.
Interrogée à ce propos ce matin sur RTL, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a tenu à souligner l’importance des échanges culturels, historiques, entre ces trois pays d’Afrique et la France, qui sont « au cœur de notre vie culturelle ». Insistant sur la dégradation de la situation sécuritaire dans ces pays qui a conduit à la récente fermeture des services de visas, elle a également affirmé : « Il n’est pas question d’arrêter d’échanger avec des artistes ou avec des lieux culturels, des musées, des festivals, des théâtres dans ces pays. Mais un nouveau projet de coopération qui démarrerait maintenant et nécessiterait d’avoir des visas pour venir ou qui nécessiterait pour des Français de partir là-bas alors que c’est extrêmement dangereux, c’est très difficile. » « On ne boycotte jamais aucun artiste, nulle part », a ajouté la ministre de la Culture.