Celui-ci désire renouer avec la vocation première d’un CDN, lieu de création, et ouvrir grand ses portes aux habitants du territoire.
Issu d’un milieu populaire, Tommy Milliot doit au service public de la culture incarné par la décentralisation théâtrale d’avoir découvert le théâtre et réalisé le parcours qui est le sien ; celui d’un comédien, metteur en scène et directeur de compagnie (Man Haast), lauréat du Prix Impatience en 2016, dont les créations ont depuis été programmées par des institutions telles que le Festival d’Avignon, le Centquatre Paris, le Théâtre national de Marseille ou la Comédie-Française. « C’est précisément pour transmettre ce qui m’a été donné qu’à l’aube de mes 40 ans j’ai éprouvé l’envie de diriger un Centre dramatique national », confie-t-il, ajoutant être animé par « une furieuse envie de partage » avec les artistes et les publics. Au CDN Besançon Franche-Comté, il disposera d’un formidable outil favorisant, de par sa taille et son implantation – sur un territoire très rural – une grande proximité avec les habitants.
Soucieux de faciliter son appropriation par l’ensemble de la population bisontine, Tommy Milliot souhaite replacer la création au cœur de l’activité du CDN, en s’affranchissant de la simple programmation (qui alternera entre classiques et écritures contemporaines) pour lui préférer différents rendez-vous : des spectacles certes, mais aussi des temps d’échanges, de débats, de rassemblements et de pratique artistique. À l’intention des jeunes spectateurs ainsi, il mettra en place un dispositif baptisé « Parcours premiers spectacles » qui accompagnera leur immersion dans le théâtre en leur proposant d’assister à des représentations, de circuler dans les coulisses et de rencontrer des artistes. Un Bureau des jeunes lecteurs, semblable à celui initié par la Comédie-Française et en lien avec lui, sera, par ailleurs, créé. Le nouveau directeur s’attachera également à valoriser le répertoire d’un artiste – il envisage notamment de travailler sur la notion de reprise – et à familiariser les publics avec le processus de création. « Un metteur en scène pourra être convié à présenter un spectacle et une forme plus modeste, comme la lecture de son prochain texte », explique-t-il.
Les artistes associés qu’il a appelés à ses côtés, tous choisis pour leur approche singulière de l’écriture théâtrale, le seconderont dans son désir de faire du CDN un lieu ouvert sur la ville et bien entendu aux créateurs, émergents comme confirmés. Jeune autrice établie en Bourgogne-Franche-Comté, Héloïse Desrivières interviendra en particulier auprès du Bureau des jeunes lecteurs. Concevant ses créations à partir de témoignages et d’interviews, l’auteur et metteur en scène suédois Marcus Lindeen aura l’opportunité de collaborer avec des amateurs. La dramaturge et traductrice Marianne Ségol-Samoy, quant à elle, transmettra ses compétences et son expérience aux équipes accueillies dans le cadre du programme « Résidences d’accompagnement », conçu pour répondre à des besoins spécifiques exprimés par les artistes : recherche (grâce à des phases de laboratoire), écriture, fabrication de décors ou encore structuration. « Soutenir une démarche de création ne saurait se limiter au prêt d’une salle de répétition, fait valoir Tommy Milliot. Aujourd’hui, le montage des spectacles requiert un long processus qui doit être réinterrogé, afin de produire mieux et différemment. » Il en va de même pour la diffusion, le futur directeur insistant alors sur l’importance des dynamiques de coopération — avec le Centre dramatique national de Dijon et d’autre scènes régionales – indispensables à une meilleure circulation, et donc visibilité, des œuvres.
Dans sa relation au territoire, le CDN s’appuiera sur la forte permanence artistique qu’il entend promouvoir pour « imaginer un théâtre vivant, capable de s’extraire des murs ». Les propositions programmées en itinérance (dans les villages éloignés ainsi que dans les quartiers urbains tout proches), s’enrichiront de moments de convivialité, tels que des repas partagés avec des artistes et des scènes ouvertes aux amateurs. En outre, chaque saison s’achèvera par une « kermesse artistique » organisée sur le parvis qui associera, sous le signe de la fête, performances, art théâtral et dans l’espace public, et grandes tablées. Sans aller jusqu’à penser que le théâtre est en mesure de changer le monde, Tommy Milliot demeure en effet convaincu qu’il peut permettre de créer des liens et contribuer aussi à une forme d’apaisement.