Comment procéder, par où commencer, pourquoi se déplacer ? Si l’imaginaire et le désir sont bien réels et se révèlent parfois des outils stimulants et décisifs pour construire des activités à l’international, il n’en est pas moins utile de se poser certaines questions en amont afin de construire une stratégie solide et cohérente. Qui plus est, cela peut aussi contribuer à rendre votre démarche à l’international plus soutenable, que cela soit d’un point de vue artistique, social, humain, économique ou écologique.
Quelles raisons invoquer ?
Avant de se lancer dans toute aventure à l'international, il est essentiel d’évaluer les raisons qui vous amènent à explorer de nouveaux territoires et nouveaux publics. Que cela soit pour répondre à un besoin précis de la compagnie ou pour nouer de nouvelles collaborations artistiques, que cela soit pour diversifier vos sources de revenus, toucher d’autres publics, s’enrichir de nouvelles rencontres, développer une notoriété internationale ou bien donner une envergure plus large à votre projet et bénéficier ainsi de retombées positives sur le territoire national : toutes ces raisons, et bien d’autres encore, sont et restent valides, valables et entièrement légitimes. Cet exercice n’est bien évidemment pas uniquement réflexif, car il vous permettra aussi de vérifier que ce choix de développement à l’international est bien partagé au sein de l’équipe et du bureau, et de mesurer en collectif la place que cette démarche pourra prendre à l’avenir dans l’activité globale de la structure.
Quels prérequis à l’export ?
Après avoir défini les raisons de votre démarche - qui peuvent d’ailleurs être aussi le fruit d’une rencontre inattendue ou bien d’une opportunité soudaine - il est préférable de s’interroger sur certains aspects liés au territoire avec lequel vous souhaitez établir une connexion. Quelle est l’histoire et le contexte du pays d’accueil ? Quelle est la langue de travail ? Y a-t-il des spécificités culturelles particulières à connaître en amont ? Quelles sont les traditions artistiques ? Quelles sont les tendances esthétiques actuelles et à quelles évolutions faut-il s'attendre ? Qu’en est-il de l’espace socio-politique ? Quid de l’accueil technique ? Quelle serait la longueur de ce projet ? De quelle mobilité artistique parle-t-on ? Avez-vous les capacités administratives, logistiques et financières pour gérer tout cela ? Y a-t-il des risques pour la santé des artistes et des équipes administratives à faire ce voyage ? Et beaucoup d’autres questions encore ! Certaines apparaîtront en cours de route, d’autres ne se poseront peut-être jamais : restez à l’écoute, soyez flexible, et essayez de faire preuve d’empathie à l’heure d’engager une nouvelle relation professionnelle à l’étranger.
Quels projets diffuser ?
De nombreuses options s’offrent à vous, et chacune d’entre elles fera l’objet d’une stratégie précise qui devra s’intégrer au projet global de la compagnie. Vous pouvez bien évidemment commencer par diffuser des œuvres existantes, mais il vous faudra d’abord vérifier si ces œuvres présentent réellement une dimension internationale. N’oubliez pas de prendre en considération les questions linguistiques et d’adaptabilité technique, tout en étudiant les conditions logistiques, les coûts, et les rémunérations. Pensez aussi à la valeur ajoutée d’une telle aventure et que celle-ci soit bien partagée au sein des équipes. Vous pouvez aussi décider de créer de nouvelles collaborations et co-productions ; cela peut se faire sur invitation ou commande, par sollicitation directe, ou bien suite à une rencontre lors d’un festival ou rencontre professionnelle. Si c’est le cas, pensez toujours à créer un socle de valeurs communes et à nouer le plus possible des collaborations sur le long terme. Vous pouvez aussi développer des activités annexes et connexes, comme par exemple des formations, des ateliers, des échanges entre pairs ou aussi des conférences. Et si vraiment le cœur vous en dit, vous pouvez même vous lancer dans un projet de collaboration européenne !
Quelles cibles viser et quels contextes choisir ?
Avant de commencer vos recherches et afin d’éviter d’être submergé par une tâche qui peut se révéler ardue, regardez autour de vous qui a récemment tourné des projets artistiques évoluant dans des esthétiques proches des vôtres. Où sont-ils allés ? Comment et par quel biais ? Qu’en ont-ils retenu ? Une fois cette première analyse effectuée, vous pouvez par exemple commencer par balayer les différents festivals du pays visé. Essayez de trouver la bonne porte d’entrée, de comprendre qui décide et selon quel calendrier, d’étudier l’axe curatorial de l’événement visé ; regardez aussi s’ils organisent des temps forts, des biennales, des rencontres professionnelles, des marchés ou salons dédiés au spectacle vivant. Ces rencontres sont en effet des occasions idéales pour élargir votre réseau, rencontrer des acteurs clefs et mieux comprendre le fonctionnement de l'écosystème local. Afin de bien saisir les enjeux sur place, il s’avère souvent pertinent d’entrer en contact avec les organisations professionnelles régionales ou nationales, telles que les réseaux, les agences culturelles, les centres de ressources ou les fédérations. Ces structures pourront éventuellement vous fournir des informations précieuses pour aller à la rencontre des lieux de création et de résidences, elles pourront aussi vous expliquer comment les équipes artistiques et administratives sont accompagnées et quelles aides existent pour nouer des collaborations internationales. Enfin, n’hésitez pas à contacter les promoteurs, diffuseurs, tourneurs, agents et bureaux de production à l’étranger, tout comme à échanger avec d’autres artistes et compagnies. Toute ressource est intéressante, mais faites bien le tri entre les informations et connaissances que vous aurez collectées : gardez l’essentiel afin de mener à bien votre stratégie.
Quelle stratégie définir et quels conseils partager ?
Vous êtes enfin prêts à vous lancer, toutes les chances sont de votre côté pour réussir cette aventure en dehors des frontières nationales. Étape par étape, votre désir d’international a mûri, vous avez fait vos recherches et planifié votre approche, vous avez identifié les contacts et cibles prioritaires. Que reste-t-il à faire ? Tout d’abord, il vous faudra proposer des projets adaptés et construire votre pitch (probablement en anglais) : l’idée n’est pas forcément de convaincre, mais de donner envie, d’attiser la curiosité et d’obtenir un rendez-vous pour aller plus loin. Pensez à développer des outils de promotion spécifiques et accessibles, à établir des stratégies différenciées selon les interlocuteurs, et à construire un calendrier rétroactif de communication, de diffusion, de relance et de suivi. N’oubliez pas de définir collectivement les moyens à mettre en œuvre pour réussir vos démarches, qu’ils soient financiers, humains, techniques, ou promotionnels. Fixez-vous dès que possible des objectifs spécifiques, mesurables, acceptables (et ambitieux), réalistes, et temporellement définis, autrement dit des objectifs SMART. N’ayez pas peur de négocier, tout en faisant attention aux détails et à mettre par écrit les différentes étapes de l’échange. Enfin, restez engagés avec votre démarche et propos artistiques, tout en expérimentant de nouvelles manières de penser et créer ; soyez ouverts à l’autre, tout en faisant profiter de ces expériences vos équipes ; et valorisez largement ce que vous aurez appris et découvert auprès de vos partenaires locaux et internationaux.