Le budget de production est celui qui court depuis l’idée de départ jusqu’au dernier jour de répétitions. Le budget d’exploitation est, quant à lui, celui qui court de la première à la dernière représentation. Nous évoquons ici le budget prévisionnel de production.
Un budget prévisionnel doit toujours être équilibré.
Dans un souci de bonne gestion, il faut établir le budget à l’équilibre, les charges devant être égales aux produits. L’équilibre permet d'évaluer la faisabilité du projet et éventuellement de revoir à la baisse les exigences du projet artistique si celui-ci implique des dépenses supérieures aux produits espérés. C'est aussi un gage de professionnalisme de la compagnie aux yeux des partenaires potentiels. La présentation d'un budget prévisionnel déséquilibré (déficitaire ou bénéficiaire) pourra être un frein dans la recherche de partenaires. S’il est déficitaire, il paraîtra dangereux aux partenaires de s’engager. S’il est bénéficiaire, il paraîtra inutile aux partenaires de s’engager.
A quoi sert-il ?
Il est indispensable de réaliser un budget prévisionnel de production pour connaître le coût de création du spectacle (les charges ou dépenses) et les ressources (les produits ou recettes) qu’il sera nécessaire de mobiliser. Ce budget prévisionnel, qu’on appelle aussi budget de production, traduit en chiffres le projet artistique. Il est l’outil de gestion qui permet d’appréhender le projet et de prendre des décisions en toute connaissance de cause durant les phases de conception et de création. Il est établi (mis à jour régulièrement et daté) sur toute la durée du projet, qui peut être aussi bien de trois mois que de trois ans.
Par ailleurs, les partenaires financiers auront besoin de connaître le budget du spectacle pour savoir comment y contribuer. Présenter un budget cohérent est gage de sérieux et de crédibilité.
Le budget prévisionnel se conçoit en fonction du projet, de ses coûts réels et de ses possibilités de financement. Il doit être élaboré de façon lisible, claire et précise pour permettre de saisir les enjeux artistiques, économiques et juridiques du projet.
Qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’un document de prévision, il ne mentionne pas uniquement les moyens acquis, mais également ceux à mobiliser. La première version du budget de production donne une projection chiffrée du spectacle bien en amont de sa concrétisation. D’abord estimation, le budget sera affiné au fur et mesure de l’avancement du projet. Il doit donc être conçu pour s’adapter à chacune des phases et pouvoir faire figurer les évolutions du projet dans leurs conséquences économiques (intégration d’un nouveau partenaire, ajout ou retrait d’un artiste…). Les différentes versions du budget doivent donc impérativement être datées. Un artiste porteur de projet, qu’il soit accompagné ou non d’un administrateur ou d’un chargé de production, doit connaître et maîtriser le budget du spectacle qu’il conçoit.
Le budget doit être le plus réaliste possible. Il prend, en premier lieu, en compte les salaires et les droits d’auteur qui représentent un coût conséquent et incompressible. Il est notamment important de réserver des marges de manœuvre en prévoyant des sources de financement diverses et des solutions alternatives, des hypothèses hautes et des hypothèses basses. Il est inutile de gonfler artificiellement l’ensemble des charges en croyant tromper les financeurs. Il s’agit bien au contraire de connaître les conditions minimales sans lesquelles la réalisation du projet n’est pas envisageable, tout en visant, par prudence, des conditions plus confortables pour parer à toute éventualité : financement non obtenu, annulation imprévue de représentations, coût technique plus élevé qu’envisagé au départ, etc.
Comment se conçoit-il ?
La conception du budget est un travail collaboratif qui va associer la conceptrice ou le concepteur du projet, l'administratrice ou l’administrateur et/ou la ou le chargé de production mais aussi les différents interlocuteurs comme, par exemple, la régisseuse générale, le scénographe, la compositrice ou le costumier...
Il n'existe pas de forme imposée, mais le plus simple est d'utiliser un document réalisé sur un tableur (de type Excel) en classant d'un côté les charges (c’est-à-dire les dépenses) et de l'autre les produits (autrement dit les recettes). On commence généralement par compléter la partie « charges » au plus près de la réalité du projet, car c’est la plus facile à évaluer, avant d’étudier la partie « produits ».
Le document peut suivre le plan comptable général, qui correspond à une nomenclature harmonisée sur le territoire français, mais ce n’est pas obligatoire. Le plus important est que la présentation soit claire. Une présentation du budget sur une seule page est recommandée car elle permet une plus grande lisibilité. N’oubliez pas de mentionner les informations qui identifient le projet (nom de la compagnie, du spectacle, des artistes, date de création envisagée, les coordonnées de l’interlocuteur à contacter et la date du jour où il a été établi ou modifié).
De quoi est-il constitué ?
Les charges à mentionner dans le budget recouvrent toutes les dépenses qu'il faut engager pour créer le spectacle. Pour les lister, il suffit de décortiquer le processus de création et d’identifier ainsi tous les frais occasionnés.
- Les salaires
Pour calculer les montants, il faut identifier le nombre de salariés et estimer le plus précisément possible la durée de leur travail. Au fur et à mesure que vous définirez votre projet artistique, vous en saurez davantage sur le nombre de personnes dont vous aurez besoin, et pour combien de temps.
Pour chaque catégorie, les salaires figurent au « coût employeur », c’est-à-dire qu’on fait apparaître le salaire brut d’une part et les cotisations patronales d’autre part, sur deux lignes distinctes (ou colonnes distinctes). Ainsi, les financeurs pourront s’assurer que la législation est bien respectée, en consultant les grilles salariales des conventions collectives, qui sont exprimées en brut et en particulier leurs minima. Les cotisations patronales à appliquer sont différentes en fonction du type de salariés (artistes, techniciens, administrateurs, cadres ou non cadres).
Certains artistes peuvent se voir appliquer une déduction forfaitaire spécifique, qui s’applique sur les cotisations sociales et patrimoniales. Une simulation grâce à un logiciel de paie permet alors d'estimer approximativement les cotisations patronales. Plusieurs sites internet proposent gratuitement de tels services.
Les paiements en droits d’auteur ne sont pas classés dans le poste des salaires mais dans une rubrique spécifique.
- Les droits d’auteur
Si vous commandez une œuvre originale à un auteur, un compositeur, un traducteur ou graphiste par exemple, vous devrez le rémunérer en droits d’auteur et verser les cotisations à l’Urssaf.
- Les frais spécifiques de production
Ils désignent les achats nécessaires à la réalisation du spectacle : agrès, costumes, scénographie, accessoires… Ils incluent aussi les frais de transports, les déplacements, la restauration, l’hébergement de l’équipe lors des répétitions. Certains partenaires peuvent assurer un apport en nature par la mise à disposition d’espaces de travail ou un accueil en résidence. Cet apport en nature peut apparaître dans les dépenses et sa valorisation en numéraire devra alors être spécifiée dans les recettes. La valorisation numéraire correspond à ce que cela vous aurait coûté si on ne vous l’avait pas donné ou prêté, par exemple le prêt d’une salle de répétition ou d’un vidéo-projecteur. On estime le coût et il apparaît dans les dépenses et dans les recettes.
- Les frais administratifs et frais de communication
Le budget de production comprend les frais administratifs et de communication spécifiquement dédiés à la réalisation du projet. Il intègre également une quote-part des coûts fixes de la structure (autrement dit des charges permanentes présentes dans le budget de fonctionnement). Par exemple, la quote-part d’un comptable, les frais d’assurance, les frais bancaires, les frais de maintenance du site internet… Vous les calculerez généralement au prorata du temps ou du budget dédié au projet.
- Les imprévus
Il est d’usage de compter environ 2% du montant total des charges pour les imprévus. Cela est indispensable car on ne peut pas imaginer que tout s’arrête parce qu’on n’avait pas de réserve en cas de…
- Les impôts et taxes
Si la compagnie est soumise aux impôts commerciaux (donc à la TVA), elle doit collecter la TVA et peut, en contrepartie, la récupérer. Les montants indiqués sur le budget doivent alors apparaître hors taxe (HT). Dans le cas contraire, ils seront exprimés toutes taxes comprises (TTC) et la structure devra par ailleurs s’acquitter d’une taxe sur les salaires. Consultez, pour plus de précisions, la section Droit et Administration de notre guide.
Les produits peuvent provenir de la compagnie elle-même par l’apport de fonds propres (bénéfices de la création précédente), de coproductions, de subventions publiques, de prêts ou de dons, de mécénat ou encore des pré-achats du spectacle. Il est recommandé de différencier les recettes qui sont avérées de celles qui sont en attente de confirmation.
Mentionner les partenaires renforce la crédibilité du projet et apporte un argument pour en convaincre d’autres de s’engager.
Autres documents financiers de la compagnie
Le budget prévisionnel de production se distingue des autres documents financiers qui peuvent être établis par la compagnie :
- les budgets prévisionnels de production et de diffusion sont rapportés à un projet (si vous prévoyez trois spectacles, vous devrez établir trois budgets de production)
- le budget de la structure traduit financièrement les besoins de la compagnie en termes de dépenses et de recettes sur une durée donnée, généralement l’année civile. Il inclut toutes les activités de la compagnie
- le bilan comptable et le compte de résultat, qui reflètent l’activité économique de la structure. Il inclut lui aussi toutes les activités de la compagnie : un spectacle en création, un autre en diffusion, un auteur en résidence d’écriture, des ateliers de médiation, les frais fixes non dédiés au projet (bureau, fournitures, salaire d’un administrateur permanent, des frais de comptabilité, de téléphone ou de ménage…)
- le devis de cession de spectacle, qui est élaboré au moment de l’exploitation du spectacle pour en fixer le prix de vente.