Quelles sont les principes de base en matière de fiscalité appliqués aux problématiques et aux particularités du secteur du spectacle vivant ?
Comment connaître le régime fiscal applicable à ma structure ?
Le régime fiscal, c’est-à-dire le type d’impôt qui s’applique à une activité, dépend en premier lieu de la structure juridique choisie pour mener ses projets (pour plus de détails, voir Choix d’une structure juridique).
Sociétés. Ainsi, les sociétés sont considérées, par principe, comme étant créées avec un but lucratif. Avoir un but lucratif signifie que l’objectif de la société est le partage des bénéfices de l’activité qu’elle exerce (article 1832 du code civil). En général, il s'agit d’un partage sous forme d’action, de dividendes etc. Pour cette raison, les sociétés sont donc assujetties aux impôts commerciaux impôts commerciaux.
Certaines sociétés sont particulièrement proches de leur fondateur ou fondatrice, au point qu’elles sont assimilées sur le plan fiscal. Il s’agit en particulier des entreprises unipersonnelles, dont l’actionnaire unique est imposé en principe par l’impôt sur le revenu (IR).
Associations. Les associations, en revanche, sont par définition à but non lucratif (article 1 de la Loi du 1er juillet 1901). Cela signifie que, contrairement aux sociétés, les bénéfices qu’elle engrange ne sont pas redistribués entre les membres de l’association. Toutes les recettes perçues par l’association doivent être utilisées pour ses projets. Ainsi, les bénéfices éventuels d’une exploitation doivent être réinvestis dans un autre projet. Les bénéfices sont les sommes qui restent lorsque les salaires, les droits d’auteur et autres coûts ont été payés. Étant à but non lucratif, l’association est en principe exonérée du paiement des impôts commerciaux.
Cela ne l’empêche pas de mener une activité commerciale, comme la vente de spectacle, de billets etc. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle peut dégager des bénéfices.
Cependant, si les activités lucratives constituent l’essentiel de son domaine d’activité et finissent par concurrencer le secteur lucratif (les sociétés), alors les bénéfices par celles-ci peuvent être assujettis à l’impôt sur les sociétés (IS). De la même façon, l’association peut être assujettie à la TVA et à la Contribution Économique Territoriale (CET) sur ses seules activités lucratives.
Pour plus d’information, voir l'étude Fiscalité des associations, dans le Précis juridique du Spectacle vivant.
Quels sont les principes de la fiscalité pour mon association ?
Une association est un organisme sans but lucratif et n’est en principe pas assujettie aux impôts commerciaux.
Par opposition, les sociétés commerciales (ex : SARL) sont des organismes à but lucratif et sont donc soumises aux impôts commerciaux. On dit qu’elles sont fiscalisées.
Cependant, lorsqu’une association répond à certains critères, elle peut malgré tout être fiscalisée.
3 critères permettent de déterminer si une association doit devenir fiscalisée ou non.
1ère étape : L’association a-t-elle une gestion désintéressée ?
Définition. Une gestion désintéressée répond à trois critères. Le non-respect d’un seul de ces critères suffit à ce que la gestion soit considérée comme intéressée.
- Bénéfices. D'une part, les bénéfices ne doivent pas être redistribués aux membres mais réinvestis pour l’objet social de l’association. Si l’association verse à ses membres quels qu’ils soient le résultat de ses activités alors l’organisme aura un but lucratif.
- Actifs. D'autre part, les actifs de l’association ne doivent pas être attribués aux membres, c'est-à-dire qu’aucune personne ne peut être déclarée attributaire d’une part quelconque du patrimoine en cas de dissolution.
- Rémunération du dirigeant. Enfin, le dernier élément, critère principal et le plus sensible pour savoir si la gestion est intéressée ou non : la gestion sera considérée comme intéressée si la rémunération brute mensuelle totale d’un des dirigeants excède les trois quarts du SMIC. Le dépassement de cette limite remettrait en cause le caractère désintéressé de la gestion et amènerait l’Administration à considérer que le(s) dirigeant(s) sont intéressés aux résultats de l’exploitation. Dans cette hypothèse, l'association est assujettie à impôts commerciaux.
Point de vigilance. Qu’en est-il si le metteur en scène salarié est, dans les faits, considéré comme dirigeant ?
Il arrive souvent que pour des besoins de plus grande flexibilité dans l’organisation, le metteur en scène (même s'il n'est pas désigné dirigeant dans les statuts) prenne une part de plus en plus importante dans les décisions de l'association. Par exemple, il ou elle signe des documents ou se voit attribuer des délégations de pouvoir par les membres du bureau. L’Administration risque alors de le considérer comme un dirigeant de fait.
Ce dirigeant de fait étant rémunéré (metteur en scène salarié et rémunéré), l’association sera considérée comme ayant une gestion intéressée et sera fiscalisée.
Le principe directeur reste que « ceux qui bénéficient de l’activité de l’association ne doivent pas être dirigeants ».
Pour plus d'information se référer à l'étude : Artiste ou technicien dirigeant de sa compagnie : quelles conséquences ?
2ème étape : L’association concurrence-t-elle une entreprise du secteur lucratif ?
Principe. Même sans avoir une gestion intéressée, une association peut être fiscalisée si elle concurrence le secteur lucratif pour les mêmes activités.
Il convient de se demander si « le public peut indifféremment s'adresser à une structure lucrative ou non lucrative » (activité par activité). Cet élément s'apprécie en fonction de l’activité précise de l’organisme et de sa situation géographique.
Si l’association est véritablement en concurrence avec une structure lucrative, alors l’organisme, malgré son but non lucratif, a cependant une activité lucrative.
Toutefois, lorsqu’une entreprise concurrence une entreprise du secteur lucratif, elle n’est pas immédiatement soumise aux impôts commerciaux. En effet, elle doit aussi exercer son activité dans les mêmes conditions que l’organisme lucratif pour être contrainte de payer les impôts commerciaux dont la TVA (voir 3ème étape).
3ème étape : Les conditions d’exercice de l'activité sont-elles semblables à celles d’un organisme lucratif ?
Comment déterminer si les conditions d’exercice de mon association sont similaires à celles d’un organisme lucratif ?
L’observation des conditions d’exercice se fait par l’analyse de 4 critères, selon la règle dite « règle des 4P ».
Critères. La “règle des 4P” vise les critères suivants : produit, public, prix et publicité.
Les 4 critères sont classés par ordre décroissant d’importance, le produit et le public étant les critères les plus forts pour analyser l’existence ou l’absence de concurrence.
- Produit. Si l’association propose dans le cadre de son activité un produit (un spectacle) qui « tend à satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou qui l’est de façon peu satisfaisante alors le produit remplit sa fonction d’utilité sociale » et se distingue d’un produit strictement commercial. L’association n’est donc pas, dans ce cas, soumise aux impôts commerciaux.
Si à l’inverse ce n’est pas le cas, il faut alors se poser la question du public concerné. - Public. « Les actes payants réalisés principalement au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale » peuvent être considérés d’utilité sociale. L’association ne sera pas en concurrence directe avec une entreprise commerciale si elle ne propose par exemple que des spectacles à destination d’un public défavorisé.
- Prix. Il convient ensuite de se demander si les prix pratiqués sont des prix de marché ou si l’organisme pratique, par exemple, des tarifs modulés en fonction de la situation des clients.
- Publicité. Il convient également de se demander si la publicité est comparable à la publicité effectuée par des entreprises commerciales en concurrence et peut s’apparenter à une technique commerciale.
Dans le cas où un doute subsiste sur la fiscalisation des activités d’une association, il est toujours possible de faire un rescrit fiscal.
Comment fonctionne la démarche du rescrit fiscal ?
Il est possible de demander aux services des impôts du siège de la structure un avis sur la situation fiscale de l’association. Le service des impôts propose alors un document sous forme de questionnaire, le rescrit. Il s’agit de renseignements purement déclaratifs permettant d’identifier des éléments comme la structure et le chiffre d’affaires prévisionnel, les données sociales annuelles. L’Administration répond alors sur l’assujettissement à l’impôt ou non de l’organisme.
La réponse intervient généralement dans le délai d'un mois.
Oui. Si l’Administration considère, après étude de l’activité de l’association, que l’organisme est soumis ou non aux impôts commerciaux, l’association est obligée de s’y soumettre. Cependant, il est possible de contester cette décision, comme toute décision administrative.
Non. Si une association est quasiment certaine d’être dans le secteur commercial, elle peut se soumettre aux impôts commerciaux directement sans procédure de rescrit. Il faut l’utiliser quand il y a de sérieux doutes sur la situation fiscale de l'association. La soumission ou non aux impôts commerciaux n’est pas libre, l’association doit entrer dans les critères d’imposition pour pouvoir prétendre être fiscalisée et bénéficier d’avantages tels que la déduction de TVA.
Il est possible de n’être soumis que pour partie à l’impôt commercial ; il est dans ce cas nécessaire de sectoriser les activités de l'association. La demande de rescrit doit alors se faire pour le secteur concerné et non pour toutes les activités de l'association.
Activités lucratives accessoires. Non, il est possible de percevoir des recettes d’une activité lucrative accessoire qui ne seront pas soumises aux impôts, même si cette activité répond aux critères des 4P. Tant que ces activités sont accessoires à l’activité principale (buvette, restauration, merchandising…), alors leur régime fiscal suit celui de l’activité principale dans une limite définie chaque année (indexée sur la prévision de l’indice de prix à la consommation, hors tabac). En dessous de ce seuil, il est impossible de se soumettre volontairement aux impôts commerciaux pour bénéficier d’avantages tels que la déduction de TVA.
Franchises. Pour l’IS, cette limite (ou franchise) est écrite à l’article 206 1 bis du Code général des impôts.
Pour la TVA, cette limite (ou franchise) est écrite à l’article 261 7. 1° b. alinéa 2 du Code général des impôts.
Pour connaître les taux de TVA applicables aux activités du spectacle : Taux de TVA
Cette fiche est écrite en partie d’après une rencontre « La fiscalité dans le spectacle vivant » organisée par le pôle juridique du CnT le 8 juin 2011.
[Intervenants de la rencontre du 8 juin 2011]
- Aurélien Guillois, Administrateur de production, Bureau Formart
- Michel Gire, Associé gérant du Cabinet d’Audit, Expertise & Conseil GMBA - Séléco-spécialiste des activités artistiques et culturelles
- Andréanne Jacob, Chargée de mission du Cabinet GMBA
- Émilie Le Thoër, responsable du Pôle juridique au CnT (modération).