Quelles sont les taux de TVA applicables en matière de de billetterie, de contrats du spectacle, de subventions et d'ateliers de pratique théâtrale ?
Cette fiche est issue de la rencontre juridique « La fiscalité dans le spectacle vivant » organisée par le pôle juridique du CnT le 8 juin 2011.
Une grande partie de la rencontre a été consacrée à la fiscalité des associations en raison de la prédominance de cette forme de structure dans le domaine du spectacle vivant et de la complexité de cette question.
Cependant, il convient de rappeler ici qu’en matière de fiscalité, chaque cas est particulier. Cette fiche permet d’envisager de façon générale les notions de fiscalité dans le spectacle vivant, mais chaque situation étant unique, une étude personnalisée de chaque cas est toujours nécessaire.
Généralités en matière de TVA
Le mécanisme de déduction est celui qui permet de récupérer la TVA qui est facturée par les prestataires et fournisseurs (ex : décors, costumes, marionnettes, restauration) en la retirant de la TVA collectée par la compagnie lors de l’émission de factures (vente d’un spectacle, billetterie).
Pour pouvoir bénéficier du mécanisme de déduction, un formalisme très précis avec des conditions de formes contraignantes est exigé.
La franchise en base est un dispositif qui permet d’être dispensé de la déclaration et du paiement de la TVA. Si une compagnie est fiscalisée mais que son chiffre d’affaires est inférieur à 33 200 euros (seuil 2018), alors elle sera de droit exonéré de l’obligation de prélever une TVA sur les factures qu’elle émet.
Par conséquent, elle ne pourra pas déduire la TVA des factures qu’elle paie à ses fournisseurs. Cette exonération ne concerne que la TVA. Ainsi, une structure exonérée de TVA devra tout de même payer les autres impôts commerciaux.
Il existe différents seuils et différentes franchises en base, il convient donc de toujours se référer à l'article 293 B du Code général des impôts pour vérifier dans quelle situation se trouve la structure.
Cela signifie que les factures doivent être émises avec un montant hors taxes avec une mention précisant que l’organisme n’est pas assujetti à la TVA.
Il existe un régime réel simplifié de déclaration de la TVA lorsque le chiffre d’affaires est inférieur à 238 000 euros (seuil valable jusqu'en 2019). La déclaration est alors annuelle (elle se fait le 15 avril) et des acomptes trimestriels sont versés en fonction de la TVA payée l’année d’avant. On récupère donc la TVA une fois par an mais les versements sont faits trimestriellement par le biais d’acomptes.
Si une structure est au régime « réel normal », une déclaration est effectuée tous les mois permettant de déterminer à chaque période le montant à payer sans attendre la fin de l’année pour régulariser.
Taux de TVA et billetterie
Le code général des impôts prévoit des taux spécifiques pour les représentations de théâtre (article 279).
Ainsi, il est prévu un taux super réduit de 2,10% sur la billetterie pour les 140 premières représentations théâtrales d’œuvres dramatiques nouvellement créées ou bien d’œuvres classiques faisant l’objet d’une nouvelle mise en scène.
Au-delà de ces 140 représentations, le taux de TVA est le taux réduit habituel des représentations théâtrales soit 5,5% depuis le 1er janvier 2013.
L'organisateur de la billetterie peut demander au producteur de justifier que le spectacle a été joué moins de 140 fois.
Le caractère de nouveauté est assez vaste, mais un simple changement pendant les représentations pour le même spectacle ne remet pas le compteur à zéro.
La reprise sans changement de mise en scène important ne relève pas de l’œuvre nouvellement créée ou d'une nouvelle mise en scène. A l’inverse, l’article 89 ter de l’annexe 3 du Code général des impôts précise que la reprise d'une œuvre classique est considérée comme faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène lorsque celle-ci est réalisée dans une présentation nouvelle par rapport à des réalisations antérieures, en ce qui concerne l'interprétation ou la scénographie.
Taux de TVA et contrats du spectacle
Lors d’une cession de droit d’exploitation d’un spectacle, peu importe la qualité du cessionnaire (collectivité territoriale, lieu de diffusion privé, association, etc.), le taux de TVA est de 5,5%.
Ce taux s’applique aussi sur les frais annexes à la cession (transport, hébergement, restauration, etc.) en application du principe global selon lequel : « l’accessoire suit le principal ».
Le paiement de la TVA est soumis à des règles différentes selon que le contrat de coréalisation inclut un minimum garanti ou non :
- Sans clause de minimum garanti et si les coréalisateurs sont assujettis, le taux de TVA applicable aux sommes perçues à l’issue de la coréalisation est celui de la billetterie classique à savoir 5,5% ou 2,10%,
- Avec une clause de minimum garanti, deux cas se distinguent selon le bénéficiaire de cette clause :
- Si le minimum garanti est versé au profit du producteur (compagnie), et que le minimum n’est pas atteint, chacun s’acquitte de sa TVA sur sa part de billetterie (ou seul le diffuseur selon ce qui est spécifié au contrat) puis l’organisateur verse au producteur le complément de recettes. Le taux de TVA que doit payer l’organisateur sur ce complément de recettes est de 5,5%.
- Si la garantie est au profit de l’organisateur et que le minimum n’est pas atteint, le même mécanisme s’applique mais ce sera au producteur de payer à l’organisateur le complément de recettes avec cette fois une TVA de 20%.
Dans les deux cas, si le minimum garanti est dépassé par les recettes de billetterie alors aucune question ne se pose et c’est la règle de TVA sur la billetterie classique qui s’applique comme s’il n’y avait pas de minimum garanti (2,10% ou 5,5% sur la part de recettes qui revient à chaque cocontractant).
Dans une coproduction avec partage de pertes et de bénéfices, il n'est pas nécessaire d'émettre une facture, il s’agit simplement d’apports entre deux copropriétaires indivis du spectacle. Par conséquent, il n’y a pas de TVA sur les apports. Cette règle est valable pour tout type d’apport qu’il y ait ou non une possibilité de récupération (apport en capital ou prêt).
Dans le cas de la coproduction simple, se reporter au compte rendu de la rencontre « Contrats de coproduction : approches juridiques, fiscale et comptable ».
TVA et subventions
La question de la TVA sur les subventions est très sensible et la réponse incertaine. Des discussions entre les syndicats professionnels et les ministères concernés sont en cours pour trouver une issue et mettre fin à l’insécurité fiscale actuelle. Il est tout de même nécessaire de faire le point sur les règles applicables en la matière.
Deux types de subventions qui ne répondent pas aux mêmes règles en matière d’imposition existent : « les subventions de fonctionnement » et « les subventions de complément de prix ».
- Les subventions de fonctionnement : conformément à une directive européenne, ces dernières ne sont pas assujetties à la TVA. Selon l’Administration française, elles entreraient de fait dans le calcul du rapport d’assujettissement pour calculer le montant de la taxe sur les salaires et font théoriquement augmenter le montant de cette taxe.
- Les subventions complément de prix : celles-ci sont en revanche assujetties à la TVA. Une subvention est considérée comme complément de prix lorsqu'il existe un lien direct entre le prix d’une prestation fournie à un client et la subvention accordée au fournisseur de cette prestation.
L’insécurité fiscale provient d’une part de la difficulté de savoir à quelle catégorie se rattache la subvention et d’autre part de textes fiscaux qui se contredisent sur la question de l’intégration ou non des subventions de fonctionnement dans le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Les compagnies ont pu faire des choix selon l’option qui leur était la plus favorable sur un plan fiscal. En conséquence de nombreux contentieux fiscaux sont en cours sur le sujet.
Les discussions ont avancé pour résoudre ce problème, jusqu'à l’envoi d’un courrier de l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde au ministre de la Culture. On semble aller dans le sens d’une plus grande souplesse pour déterminer de quelle catégorie relève une subvention, avec en corollaire la réaffirmation que les subventions de fonctionnement entrent dans le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Le courrier laisse également entendre que l’Administration fiscale ferait preuve d’une grande compréhension lors de l’examen des situations passées. S'agissant d’un courrier ministériel, la valeur juridique reste très limitée. Selon Michel Gire, il nous semble cependant qu’il peut s’agir d’un argument en cas de contentieux avec l’Administration.
TVA et ateliers de pratique théâtrale
Les ateliers animés au sein d’un cursus pédagogique (par exemple une option théâtre dans un établissement scolaire public ou privé) ainsi que pour une formation continue sont exonérés de TVA (article 261 du code général des impôts).
Cette règle d’exonération n’est pas effective pour un atelier ponctuel. Ce type d’intervention doit être analysé comme une prestation de service et se voit donc appliquer un taux de TVA de 20%. Cependant, si cette prestation de service est proposée de façon accessoire à des représentations (un théâtre peut acheter un spectacle et demander que la compagnie anime des ateliers autour de ce spectacle) alors la règle de « l’accessoire suit le principal » pourrait trouver à s’appliquer et le taux de TVA suivrait celui de l’opération principale, c’est-à-dire de la représentation.
Intervenants de la rencontre du 8 juin 2011
Aurélien Guillois, Administrateur de production, Bureau Formart
Michel Gire, Associé gérant du Cabinet d’Audit, Expertise & Conseil GMBA Séléco-spécialiste des activités artistiques et culturelles
Andréanne Jacob, Chargée de mission du Cabinet GMBA
Émilie Le Thoër, responsable du Pôle juridique au CnT (modération)