Quelle est l’utilité du budget prévisionnel ? Pourquoi le budget doit-il être équilibré ? Quel est le temps nécessaire au montage d'une production ? Comment se formalise le budget prévisionnel et quelles charges y faire figurer ? Quelles sources de financement envisager ?
Cette fiche est issue de la rencontre juridique organisée au CnT le 30 mars 2009.
L’importance du budget prévisionnel
Il est indispensable car il vient traduire de manière financière le projet artistique. Il regroupe l’ensemble des informations nécessaires à la mise en pratique du projet : le nombre d’artistes-interprètes, de techniciens, les exigences techniques du spectacle (décor, costume, création musicale, etc.), la durée envisagée des répétitions, le nombre de représentations prévues, etc.
Le budget prévisionnel est mis en place grâce aux informations données à l’administrateur (ou chargé de production) par le porteur du projet et l’équipe artistique. L’administrateur doit obtenir un maximum d’informations afin d’avoir une idée des coûts liés au spectacle et ainsi déterminer le montant des financements nécessaires.
Le budget se prépare le plus en amont possible et se précise avec les avancées du projet. Tout en étant un outil de gestion interne permettant d’évaluer la viabilité d’un projet, le budget prévisionnel de production est également nécessaire pour démarcher les futurs partenaires tels que les coproducteurs, subventionneurs, partenaires privés, etc.
Dans un budget, le total des dépenses doit forcément être égal au total des recettes. La nécessité de l'équilibre permet d'évaluer la faisabilité du projet et d'éventuellement revoir à la baisse les exigences du projet artistique si celui-ci implique des dépenses supérieures aux produits espérés. C'est aussi un gage de professionnalisme de la compagnie aux yeux des partenaires potentiels. La présentation d'un budget prévisionnel déséquilibré (déficitaire ou bénéficiaire) pourra être un frein dans la recherche de partenaires.
Après avoir jaugé les aides possibles, l'administrateur présente au partenaire sollicité un budget qui doit comprendre le montant de l'aide qui lui est demandée.
Le temps nécessaire au montage d'une production
Il n'est pas recommandé de démarrer les répétitions tant que les produits nécessaires au montage du spectacle ne sont pas réunis.
Le temps nécessaire s'évalue en fonction de l'ampleur du projet. Plus le projet est ambitieux et se joue dans des lieux prestigieux, plus la durée de préparation de la production est longue.
N.B. Dans les théâtres nationaux, scènes nationales, CDN, etc., les coproductions sont mises en place deux saisons (septembre à septembre) avant la date des représentations. Il ne faut donc pas sous-estimer le temps que cela prend de réunir les fonds nécessaires au montage d'une production : recherche de partenaires et surtout de coproducteurs, attente des réponses suite au dépôt des demandes de subventions, etc.
Les jeunes compagnies qui démarrent leurs premiers projets peuvent développer des activités annexes tels que des ateliers, notamment pour :
- se faire connaître ;
- s'insérer dans un réseau et trouver des nouvelles sources de financements qui ne seraient pas forcément propres au spectacle vivant ;
- valoriser leur projet de création vis-à-vis des potentiels partenaires, etc.
Les compagnies plus expérimentées peuvent faire tourner un spectacle alors qu'un autre est en phase de préparation.
La traduction budgétaire du projet
Il n'existe pas de forme imposée mais le plus simple est d'utiliser un document Excel en classant d'un côté les charges et de l'autre les produits. Certains organismes subventionneurs demandent que soit complété un budget téléchargeable sur leur site. L'administrateur doit dans ce cas adapter son propre budget.
Sont indiquées dans le budget prévisionnel toutes les dépenses qu'il faut engager pour monter le projet. Le poste le plus important et qui constitue une des charges les plus élevées est celui des salaires. Il y aura donc tout intérêt à le faire figurer en haut du tableau.
- Les salaires
On indique les salaires des équipes artistique, technique et administrative qui travaillent pour le projet. N.B. Une partie du salaire de l'administrateur (ou du chargé de production) est imputé dans le budget en fonction du temps qu'il consacre à la production. Les salaires doivent figurer au coût employeur. Il est préférable de prévoir une ligne pour les montants bruts (le SMIC et les montants dans les grilles de salaires des conventions collectives sont en brut) et une ligne pour les charges patronales.
Une simulation grâce à un logiciel de paie permet d'estimer approximativement les charges patronales : Si l'artiste accepte l'abattement forfaitaire : environ 45% du salaire brut Si l'artiste n'accepte pas l'abattement forfaitaire : 65% du salaire brut Cadres intermittents : environ 56% du salaire brut Poste technique non cadre : environ 65% du salaire brut N.B.
- Les autres postes
En fonction du projet, les dépenses sont listées au plus près de la réalité. Décor/technique, costumes, frais de répétition (lieu de répétition, frais de transport et éventuellement frais d'hébergement et de repas), frais de fonctionnement (assurances, etc.), frais administratifs, etc.
Salaire brut = salaire net salarié + charges salariales
Salaire brut + charges patronales = coût employeur
Certains lieux de spectacles vont à la fois coproduire et acheter un même spectacle. Les cessions de spectacle (le lieu de spectacle s'engage sur une somme forfaitaire pour acheter un spectacle) font partie de la période d'exploitation, ils n'entrent donc pas dans le budget de production.
Les sources de financement recherchées sont indiquées dans la colonne des produits. On y retrouve :
- les coproductions (plusieurs partenaires se réunissent en vue de présenter un spectacle, elles peuvent prendre des formes diverses, elles font partie intégrante des missions statutaires des Scènes nationales et des CDN) ;
- les subventions (aides de l'Etat, des collectivités, de certains organismes privés, etc.) ;
- les soutiens privés (dons ou parrainage) ;
- éventuellement recettes de précédentes exploitations et préachats (contrats de cession établis alors que le spectacle n'est pas encore créé), s'ils sont nécessaires au bouclage du budget.
Une compagnie peut chercher à obtenir des dons d'entreprises ou de particuliers, mais elle négociera généralement plus facilement des aides en nature ou en compétences.
Exemples de dons en nature :
- une société spécialisée dans le papier donne à la compagnie du papier crépon et paie les frais de transport ;
- une société spécialisée dans l'électronique vend des casques audio à prix d'usine ; - pour un spectacle sur le sommeil, prêt de lampes de luminothérapie pendant la durée du spectacle et dons de couettes, draps et traversins par un magasin de literie.
Exemple d'apport en compétences :
- une entreprise se charge de rémunérer une couturière qui crée les costumes.
Exemples de contreparties proposées par une compagnie :
- faire figurer le logo de l'entreprise sur ses documents de communication ;
- réserver des places pour les salariés de l'entreprise.
Si la compagnie est sous forme associative, qu'elle remplit les conditions du Code général des impôts et que soutien matériel est apporté sans contrepartie de la part de l'entreprise ou du particulier, le don pourra ouvrir droit à réduction fiscale pour le donateur.
Il est important de présenter à ses potentiels partenaires un budget le plus réaliste possible afin d'entretenir avec eux des relations de confiance. Ce document doit en effet permettre de connaître les conditions minimales sans lesquelles le projet ne serait pas réalisable. Cela n'empêche pas de prévoir par prudence, des conditions plus confortables en termes de salaires pour parer l'éventualité d'une source de financement non obtenue.
Une fois le budget bouclé et le projet en route, il est important de vérifier que ce qui a été anticipé se réalise. Si ce n'est pas le cas, ce suivi permet de faire d'éventuels ajustements. Un suivi de production récapitule l'ensemble des dépenses et recettes du projet.
Intervenants à la rencontre du 30 mars 2009
Claire Guieze, administratrice de production du Petit bureau et de la compagnie d'Ahmed Madani
Fabien Méalet, administrateur de production de la compagnie L'envers du décor