Conçu et interprété par Raphaëlle Rousseau, Discussion avec DS met en scène une conversation entre la jeune comédienne et Delphine Seyrig, comédienne, réalisatrice et icône féministe des années 70s.
Auditrice à l’Actor’s Studio aux États-Unis, puis élève du cours privé de Lee Strasberg, Delphine Seyrig sent, juste avant 1960, que la production cinématographique française prend un tournant nouveau, révélateur enfin de ce qu’on nomme une modernité fort avancée : « Elle rentre en France pour devenir, fluide, éthérée, vaporeuse, l’héroïne déconcertante et fascinante de L’Année dernière à Marienbad (1960) d’Alain Resnais ». (Raymond Chirat, « Seyrig Delphine » (1932-1990) – Encyclopedia Universalis).
Esquiver le réalisme, jouer d’une présence qui lui est propre, telle est la vocation de l’actrice – musicalité de la voix, diction décalée à travers le « jouer faux » plein de nuances et d’intonations. Elle embrasse le théâtre et le cinéma; au théâtre, elle joue Pinter, Saunders, Handke, Beckett, Pirandello, Henry James, dirigée par Claude Régy, André Barsacq, Sacha Pitoëff, Alfredo Arias. Elle privilégie les femmes-cinéastes : on la retrouve dans l’oeuvre de Marguerite Duras, comme dans celle de Chantal Akerman, entre autres. Elle joue au cinéma chez Jacques Demy, William Klein, Losey, Truffaut et Bunuel. Puis, elle retourne au théâtre avec Jean-Claude Carrière et John Murrell. En 1977, elle réalise un montage-vidéo sur la cause féminine, Sois belle et tais-toi.
Et convoquer les fantômes, les inciter à ressusciter, tel est le désir espiègle de Raphaëlle Rousseau, comédienne et admiratrice de DS et avec laquelle elle aurait tant voulu discuter. Archives, montage sonore et imitations, la rencontre a bien lieu pour un échange authentique. Entre facéties et malices, jeux de petites filles, humour, ironie et dérision, l’actrice passionnée de l’icône féminine s’emploie à un jeu de va-et-vient entre la voix significative et emblématique de Delphine Seyrig et la sienne. Au début, c’est bien Raphaëlle Rousseau qui se tient sur la scène, au milieu du fouillis d’un autel mexicain – fleurs séchées, petites bougies et portraits photographiques. La comédienne attend, tendue et mélancolique, jusqu’à ce que lui réponde la Voix si renommée.
De-ci delà, la présence sonore de la disparue se fait d’abord entendre, de cour à jardin, d’avant en arrière, de haut en bas – un jeu de cache-cache. Ces apparitions et disparitions fugitives sont bien le signe tangible d’un échange, d’un dialogue, d’un débat et d’une écoute attentive à transmettre. Puis, dans la seconde partie du spectacle, les rôles sont inversés : l’interprète d’aujourd’hui, ici et maintenant, est soudainement partie dans les airs et le rêve, il ne reste plus que sa voix sonore.
En échange, Delphine Seyrig est présente sur le plateau de scène, apprêtée en diva – passage d’un état à l’autre, d’une personne à l’autre, d’une figure à l’autre – transsubstantiation scénique. Gracieuse et distinguée, Delphine Seyrig elle-même sourit, face public, un peu gênée mais accueillante, réceptive aux questions, s’engageant sincèrement, acquiesçant à la demande de l’intervieweuse de rejouer sa partition dans une scène de Baisers volés (1968) avec Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) : ils passeront quelques heures ensemble puis ne se reverront plus jamais…
Énigmatique, mystérieuse et ensorceleuse, facétieuse aussi, Raphaëlle Rousseau est bien l’incarnation de DS.
Discussion avec DS de Raphaëlle Rousseau, du 8 au 20 novembre à L’Athénée – Théâtre Louis-Jouvet à Paris.