C'est l'histoire d'une ascension fulgurante : leurs deux premiers spectacles ont très vite propulsé les 26000 Couverts dans le circuit des festivals in. Mais cette reconnaissance du public et de la critique, qui ne s'est pas démentie au fil des ans, porte au revers l'exigence d'un renouvellement constant pour ne pas décevoir. Éviter les redites, c'est d'une part opérer des virages radicaux sur les thèmes abordés et l'ambiance des spectacles. Cela passe aussi, depuis une décennie, par un retour régulier à la salle et par un équilibre entre grandes et petites formes. Les 26000 Couverts, c'est donc une histoire de zigzags et de conscience aigüe de la nécessité de changer dès lors que tout fonctionne trop bien.
Les 26000 Couverts naissent d'un mariage : celui des deux micro-troupes qu'animent Philippe Nicolle et Pascal Rome au début des années 90. Philippe Nicolle joue alors au sein du groupe Le Nyctalope à Paris. Ce Dijonnais passé par le conservatoire de région, les Beaux-arts, l'INSAS - Institut supérieur des arts à Bruxelles - met un point d’honneur à n'avoir jamais terminé son cursus dans une école. Au hasard des tournées, il rencontre en 1994 Pascal Rome, plasticien scénographe décorateur inventif et foutraque. Ce coup de foudre amical et professionnel se concrétise par la création de la première esquisse de Sens de la visite en 1994 à Dijon : une déambulation autour du patrimoine, des légendes urbaines, du folklore local… « Un très gros truc avec zéro moyen ! s'amuse Philippe Nicolle, avec une dimension de révolte amusée qui se voulait plutôt du côté de l'ironie que de la provocation ». Lui, qui vient d'un théâtre plus littéraire, rencontre entre autres Royal de Luxe, découvre les bricolages géniaux de la rue, le jeu avec les objets, et a envie de s'inscrire dans cette lignée. « Le théâtre de rue à l'époque, c'était beaucoup de talents manuels, de techniciens, je venais d'un théâtre plus classique et c'était une découverte ».
Ce coup d'éclat fonctionne et les deux groupes fusionnent. Les 26000 Couverts sont nés. Le nom exprime leur goût de la générosité, de l'excès et du collectif.
« Le Sens de la visite », Festival d'Aurillac, 1996