Cela fait maintenant quelques années qu’Adrien Béal mène une aventure singulière jalonnée de créations où le théâtre se présente comme le lieu d’un questionnement sur les rapports de l’individu au groupe – la famille, l’école, l’univers du travail, la société – et, plus largement, au monde. Au fil de spectacles souvent élaborés à plusieurs avec un groupe de comédiens étroitement impliqués, le metteur en scène instaure un lien particulier avec le public, comme en témoignent des œuvres comme Le Pas de Bême (2014), Perdu connaissance (2018) ou Les Pièces manquantes (2020).
Cette proximité entre ce qui a lieu sur scène et le spectateur doit beaucoup au sentiment que quelque chose se cherche dans le temps même de la représentation, qui ne se résume pas seulement à ce qui est en train de se tramer dans l’espace du plateau. Quelque chose qui a commencé avant que les comédiens entrent en scène et qui ne sera pas résolu une fois le spectacle terminé. Cela explique pourquoi quand on assiste à un spectacle d’Adrien Béal, on est constamment tenu en haleine confronté moins à des événements à proprement parler qu’à toutes sortes d’allusions qui progressivement dessinent un faisceau de possibilités dont la particularité est de rester toujours ouvertes. Par certains côtés, son théâtre ressemble à une enquête dont l’objet demeure fuyant jusqu’au bout. Ce sentiment d’être confronté à une énigme jamais élucidée est d’autant plus frappant, qu’en assistant à un spectacle d’Adrien Béal, on se dit que cette recherche devra nécessairement se poursuivre et qu’on est en quelque sorte encouragé à voir les prochaines créations de cette compagnie pour en savoir plus. S’il fallait résumer ce sentiment en peu de mots, on pourrait dire que son théâtre invite au débat et que le débat d’une œuvre à l’autre reste toujours ouvert. C’est ainsi que des créations comme Le Pas de Bême, Perdu connaissance, Les Pièces manquantes ou Toute la vérité offrent aux spectateurs un parcours d’un rare cohérence où, d’un spectacle à l’autre, des idées et des réflexions sont données à voir et à ruminer par le biais de fictions sensibles qui mettent en question notre rapport au monde et à la société dans laquelle nous vivons.