Le choix de l'exploitation d'une œuvre de l'esprit appartient au détenteur des droits patrimoniaux (voir étude "Droits de l'auteur sur son œuvre"). Celui-ci peut alors refuser ou autoriser, avec ou sans exclusivité, à titre gratuit ou non, l'exploitation de l'œuvre à des tiers.
Toute personne qui souhaite exploiter une œuvre doit en obtenir l'autorisation auprès de l'auteur ou de la personne titulaire des droits. Cette autorisation prend la forme d'un contrat de cession de droits d'exploitation des droits d'auteur dans lequel le cédant accorde à son cocontractant, le cessionnaire , le droit de reproduire et ou de représenter l'œuvre. Dans un souci de protection de l'auteur, ce contrat est encadré par le Code de la propriété intellectuelle.
Le contrat de cession de droits d'auteur ne doit pas être confondu avec le contrat de cession du droit d'exploitation d'un spectacle aux termes duquel le producteur s'engage à fournir à un diffuseur un certain nombre de représentations moyennant rémunération (voir étude "Contrat de cession du droit d'exploitation d'un spectacle" ).
Consulter un modèle de contrat de cession exclusive de droit d'auteur en fin d'étude.
I.Dispositions applicables à l'ensemble des contrats de cession
a.Principe d'interdiction de cession globale des œuvres futures
1.Principe : interdiction
L'article L131-1 du Code de la propriété intellectuelle ( ) prohibe la cession des droits d'auteur sur des œuvres qui ne sont pas encore déterminées ou déterminables au jour de la conclusion du contrat.
Est visée ici la cession qui porterait sur l'ensemble des œuvres d'un auteur, mais également sur plusieurs œuvres futures.
Par œuvres futures, il convient d'entendre les œuvres à venir qui restent totalement à créer, et non pas celles qui n'ont pas été réalisées : l'existence d'un thème, d'un sujet, d'un titre suffit à donner un début d'identification à l'œuvre, permettant ainsi sa cession. Lorsque les circonstances permettent d'individualiser avec précision les œuvres en cause, cette interdiction ne s'applique pas. C'est le cas notamment lorsque la cession a trait à des histoires mettant en scène le même personnage principal, la faculté étant laissée à l'auteur de cesser sa collaboration au journal qui le publie à condition d'achever l'histoire en cours (Cass, civ. 6 nov. 1979 ).
Cette prohibition ne concerne pas les contrats de commande, car elle ne concerne que les cessions de droit.
Cette interdiction pose toutefois un problème pour les œuvres réalisées par un salarié dans le cadre d'un contrat de travail car ces dernières induisent souvent une multitude de contrats de cession. C'est pourquoi, la jurisprudence a parfois admis que la prévision d'une cession automatique de droits de propriété intellectuelle au fur et à mesure des travaux, ne constitue pas une cession globale d'œuvres futures. Toutefois, ce contournement reste en pratique assez peu admis par les tribunaux.
2.Exceptions
a.Pacte de préférence
Le pacte de préférence concerne les contrats d'édition (d'œuvres littéraires, dramatiques, musicales) : "Est licite la stipulation par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un éditeur pour l'édition de ses oeuvres futures de genres nettement déterminés" (art. L132-4 du Code de la propriété intellectuelle ).
Cette cession d'œuvres futures est toutefois limitée à :
- 5 ouvrages nouveaux pour chaque genre, à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première oeuvre ;
- ou à la production de l'auteur réalisée dans un délai de 5 années à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première œuvre.
b.Contrat général de représentation
Est dit contrat général de représentation le contrat par lequel un organisme professionnel d'auteurs (type SACD, SACEM) confère à un entrepreneur de spectacles la faculté de représenter, pendant la durée du contrat, les oeuvres actuelles ou futures, constituant le répertoire dudit organisme aux conditions déterminées par l'auteur ou ses ayants droit (art. L132-18 al. 2 du Code de la propriété intellectuelle ).
b.Règles de forme et de preuve des cessions
1.Exigence d'un écrit
2.Exigence de mentions distinctes au contrat
Dans tous les contrats de cession, chacun des droits cédés doit être mentionné distinctement dans le contrat (art. L131-3 du Code de la propriété intellectuelle ).
Les droits cédés doivent en effet être limitativement énumérés. Les parties doivent préciser dans le contrat le domaine de la cession c'est-à-dire :
- l'étendue des droits cédés ;
- la destination ;
- le territoire d'exploitation ;
- la durée.
Ce formalisme s'impose également aux contrats de cession à titre gratuit.
Un simple accord verbal ou par courrier ne suffit pas, un écrit comportant toutes ces mentions est nécessaire.
La cession dont l'étendue des droits cédés est trop vaste, dont la durée n'est pas précisée, etc. n'est pas valable : toute clause générale et non limitativement énumérée est réputée sans effet.
a.Etendue du domaine d'exploitation
Les parties doivent préciser au contrat l'étendue de la cession des droits.
La cession du droit de représentation n'emporte pas celle du droit de reproduction et réciproquement, la cession du droit de reproduction n'emporte pas celle du droit de représentation (art. L122-7 du Code de la propriété intellectuelle ).
Cette règle s'applique également aux corollaires des droits de représentation et de reproduction que sont la traduction et l'adaptation : la cession du droit de représentation n'emporte pas celle du droit d'adaptation.
En conséquence, le fait de faire précéder l'énumération des différents modes d'exploitation de l'adverbe "notamment" ne devrait pas pouvoir produire d'effet. De même, le fait d'inscrire la mention "etc" suffit pour les juges à établir l'absence de délimitation du domaine d'exploitation des droits cédés (CA Paris 22 oct. 2003, Propr. intell. janv. 2004, 1 e esp., p. 556, note A. Lucas).
Il convient également de toujours préciser si ces droits sont cédés à titre exclusif ou non. Si le contrat est assorti d'une clause d'exclusivité l'auteur ne pourra alors consentir aucune autre cession de ses droits pendant toute la durée de l'exclusivité.
b.Destination des droits cédés
La finalité des modes d'exploitation autorisés doit être précisée dans le contrat. L'auteur est supposé s'être réservé tout droit ou mode d'exploitation non expressément inclus dans un contrat de cession (Versailles, 13 fév. 1992, D. 1993, 402).
Par conséquent, l'utilisation de l'œuvre pour une autre destination que celle prévue au contrat expose le cessionnaire à des poursuites pour contrefaçon (voir étude "Non respect des droits d'auteur : contrefaçon" ).
Par exemple, l'autorisation donnée en vue d'une adaptation d'une pièce de théâtre à l'opéra ne peut être considérée comme valant aussi cession des droits d'adaptation cinématographique (Cass, civ. 22 juin 1959. D.1960. 129, note Desbois).
c.Territoire
Les parties doivent préciser le territoire sur lequel l'exploitation est autorisée. Les droits peuvent être cédés pour une ville ou une région particulière, un pays (la France par exemple), voire "pour le monde entier" (notamment si l'œuvre fait l'objet d'une diffusion sur internet).
Il s'agit d'une libre négociation entre les parties.
d.Durée de la cession
Les parties doivent également prévoir une durée d'exploitation limitée :
- la durée peut être limitée dans le temps, à un nombre d'années, à un nombre de mois, etc. ;
- ou limitée à un certain nombre de représentations ou de reproductions.
Ainsi, la clause qui stipule que "les droits sont cédés sans limitation de durée" n'est pas valable. En revanche, tel n'est pas le cas lorsque la cession est consentie pour toute la durée légale de protection des droits d'auteur.
En l'absence de mention relative à la durée, la cession encourt la nullité (Cass, civ. 23 janv. 2001 ).
Toutefois, cette solution n'est pas retenue pour l'exploitation cinématographique d'une œuvre : la Cour de cassation a en effet déjà jugé que sauf clause contraire, le producteur est investi des droits d'exploitation pendant toute la durée des droits (Cass, civ. 5 nov. 1991 ).
e.Non respect du contrat par le cessionnaire
Les autorisations sont accordées dans un champ d'application bien défini.
Toute exploitation qui sort du cadre contractuel est considérée comme une contrefaçon (voir étude "Non respect des droits de l'auteur : contrefaçon" ). Aucun autre droit, aucune autre œuvre, ni aucune autre durée que ceux mentionnés au contrat ne peuvent être exploités.
Rappelons que chaque droit cédé doit faire l'objet d'une mention distincte dans le contrat.
c.Rémunération de l'auteur
Pour plus de détails sur la rémunération de l'auteur, se reporter à l'étude spécifique "Rémunération de l'auteur" ( ).
1.Principe
La cession peut être consentie par l'auteur à titre gratuit ou à titre onéreux (article L122-7 du Code de la propriété intellectuelle ).
Attention toutefois, la jurisprudence exige que la cession à titre gracieux soit consentie de façon expresse : "l'auteur est libre, si, du moins, il a une claire conscience de ce qu'il cède à titre gratuit, de renoncer à percevoir des droits patrimoniaux sur l'exploitation de son oeuvre" (CA, Paris. 25 nov. 2005). Il demeure cependant essentiel de pouvoir justifier de l'existence d'une cause motivant la gratuité (CA, Paris. 11 sept. 2013). Il peut par conséquent être judicieux de justifier la gratuité en donnant le contexte dans le contrat de cession des droits.
Dès lors que l'auteur ne cède pas ses droits à titre gracieux, il doit percevoir une rémunération proportionnelle aux recettes issues de l'exploitation de son œuvre (art. L131-4 du Code de la propriété intellectuelle ).
Ainsi, l'auteur qui cède ses droits de représentation à un entrepreneur de spectacles doit être rémunéré selon un pourcentage issu des recettes de billetterie, ou éventuellement issu d'un prix de cession. Cela dépendra d'un certain nombre de facteurs : s'il y a une billetterie ou non, si l'auteur est adhérent à une société de gestion collective.
Le taux de la rémunération est librement fixé par les parties. Toutefois, lorsque la cession de droits concerne une œuvre déclarée à une société de gestion collective, des pourcentages minima de rémunération sont imposés.
Dans certains cas, limitativement énumérés, l'auteur est rémunéré par une somme forfaitaire (voir étude "Rémunération de l'auteur" ).
2.Rémunération de l'auteur et contrat de travail
Le contrat de travail n'emporte pas cession automatique des droits d'auteur du salarié à son employeur (voir étude "Auteur salarié et auteur fonctionnaire" ).
Par conséquent, le salaire ne suffit pas à rémunérer à la fois la prestation de travail et la cession des droits. L'auteur salarié doit donc percevoir 2 rémunérations distinctes.
Ainsi, un metteur en scène embauché en CDD d'usage pour l'exécution matérielle de sa prestation et qui réalise une mise en scène originale, doit percevoir :
- un salaire (rémunération au cachet, au mois, etc.) en contrepartie de sa prestation de travail ;
- et une rémunération en droit d'auteurs en contrepartie de la cession de ses droits d'auteurs sur sa mise en scène.
II.Spécificités du contrat de représentation
a.Définition
1.Contrat de représentation
Le principal contrat d'exploitation dans le spectacle vivant est le contrat de représentation "par lequel l'auteur d'une œuvre de l'esprit ou ses ayants droit autorisent une personne physique ou morale à représenter l'œuvre à des conditions déterminées" (art. L132-18 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ).
Ainsi, tout producteur de spectacles qui souhaite adapter un texte au théâtre, intégrer de la musique dans sa création dramatique, etc. doit obligatoirement conclure un contrat de cession du droit de représentation de l'œuvre avec l'auteur, ses ayants droit ou la société de gestion collective si l'œuvre fait partie de son catalogue.
2.Contrat général de représentation
Lorsqu'un entrepreneur de spectacles utilise régulièrement des œuvres originales pour la création de ses spectacles, il peut-être intéressant de conclure un contrat général de représentation avec une société de gestion collective. Ce contrat permet l'utilisation de l'ensemble des œuvres actuelles et futures du répertoire d'une société de gestion collective, sans avoir à conclure un contrat de représentation pour chaque utilisation d'une œuvre (le cessionnaire est autorisé à puiser librement dans ledit répertoire pendant la durée du contrat général de représentation en échange d'un prix forfaitaire versé à la signature).
b.Caractéristiques du contrat de représentation
Le contrat de représentation est conclu pour un nombre déterminé de communications de l'œuvre au public ou pour une durée limitée.
En principe, la cession des droits n'est pas accordée à titre exclusif sauf si une clause expresse le prévoit. Dans cette hypothèse, l'exclusivité ne peut être accordée pour une durée supérieure à 5 ans. En outre, l'interruption des représentations pendant 2 années consécutives met fin de plein droit à l'exclusivité (art. L132-19 du Code de la propriété intellectuelle ).
Le contrat de cession est un contrat intuitu personae. Par conséquent, l'entrepreneur de spectacles ne peut transférer le bénéfice de son contrat sans l'assentiment formel et donné par écrit de l'auteur ou de son représentant (art. L132-19 al. 4 du Code de la propriété intellectuelle ).
c.Conditions de forme du contrat de représentation
Le contrat de représentation doit faire l'objet d'un écrit et chaque droit cédé doit faire l'objet d'une mention distincte dans le contrat (cf. supra I. B. 1 et I. B. 2).
d.Obligations des cocontractants
1.Parties au contrat
La personne titulaire du droit de représentation d'une œuvre et à qui l'autorisation doit être demandée n'est pas forcément l'auteur, ce peut-être :
- les ayants droit, notamment les héritiers dans le cas où l'auteur est décédé ;
- un cessionnaire à qui l'auteur a déjà cédé ses droits patrimoniaux.
Attention, si l'auteur est adhérent à une société de gestion collective (SACEM, SACD, etc.), il faudra adresser une demande d'autorisation auprès de cette dernière.
2.Obligations du cédant
a.Mise à disposition de l'œuvre
Le cédant est tenu de mettre l'œuvre à disposition du cessionnaire et de lui en faciliter l'accès (art. 1603 du Code civil ).
Par exemple, dans le cadre d'une cession du droit de représentation d'un texte dramatique le cédant doit notamment communiquer un exemplaire du manuscrit ou du scénario à l'entrepreneur de spectacles.
En outre, le cédant est tenu le plus souvent de garantir au cessionnaire un exercice paisible du droit de représentation, d'assurer qu'il détient bien les droits de propriété intellectuelle sur l'œuvre dont il cède les droits.
b.Cession exclusive
L'exclusivité accordée par le titulaire des droits d'auteur au cessionnaire doit être effective.
Ainsi, l'entrepreneur de spectacles qui bénéficie d'une cession exclusive du droit de représentation peut se retourner contre le cédant qui, à propos de la même œuvre, a également consenti la cession du droit de représentation à un tiers.
3.Obligations du cessionnaire
Respect du droit moral. "L'entrepreneur de spectacles doit assurer la représentation ou l'exécution publique dans des conditions techniques propres à garantir le respect des droits intellectuels et moraux de l'auteur" (art. L132-22 du Code de la propriété intellectuelle ).
Cet article réaffirme le principe du respect du droit moral de l'auteur (voir étude "Droits de l'auteur sur son œuvre" ).
Par exemple, le metteur en scène ne peut pas méconnaître les choix clairement exprimés par un auteur qui refuse que l'on confie à des femmes les rôles principaux de sa pièce (TGI Paris 15 oct. 1992, RIDA Janv. 1993, p.225. Œuvre "En attendant Godot" de Samuel Beckett).
Absence d'obligation d'exploiter l'œuvre. Le contrat de cession n'impose pas au cessionnaire l'obligation d'exploiter l'œuvre pour laquelle il a obtenu les droits de représentation. L'absence de représentation de l'œuvre n'engage pas sa responsabilité à l'égard du cédant (Cass, com. 19 juin 1990. n°89-11489. Inédit).
En revanche, il n'est pas interdit aux parties de stipuler une obligation de représentation dans le contrat de cession (Cass, civ. 3 avr. 1974, RIDA juil. 1974).
Rémunération de l'auteur. Le cessionnaire "doit acquitter aux échéances prévues, entre les mains de l'auteur ou de ses représentants, le montant des redevances stipulées" (art. L132-21 du Code de la propriété intellectuelle ). Le montant de la rémunération est librement déterminé par les parties. Toutefois, si l'auteur est adhérent d'une société de gestion collective, la négociation n'est pas possible (pour plus de précisions se reporter à l'étude "Rémunération de l'auteur" ).
Obligation de rendre des comptes. L'entrepreneur de spectacles est tenu de déclarer à l'auteur ou à ses représentants (art. L132-21 du Code de la propriété intellectuelle ) :
- le programme exact des représentations et des exécutions publiques ;
- le montant des recettes issues des représentations en fournissant un justificatif.